13-02-2021
Ubaye - Parpaillon - Alpes Cozie S
AD
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Saint-Paul en Ubaye, ce samedi. Après un peu de ski, un peu de cascade, on ne sait plus trop où donner de la tête. Il a bien neigé la veille, et aujourd'hui s'annonce une belle journée. La veille, notre recherche de glace s'est vu couronné d'un succès relatif. Alors que faire? Déjà, se lever, c'est un bon début. Dommage que le réveil eut sonné, mais que chacun ai délégué aux autres la primeur d'ouvrir les yeux. Un petit quart d'heure plus tard, on émerge l'un après l'autre dans la cuisine. Dehors, l'aube pointe son nez. Pendant qu'on avale des tartines, on entends le chasse neige passer dehors. Un coup de tête par la fenêtre : la route est encore bien blanche…

On jette dans la voiture des sacs bien lourds : le programme prévoit une belle cascade, avec une approche à ski. Bien décidé à ne pas laisser passer cette belle journée si les conditions de glace s'annoncent mauvaise, on a repéré quelques plans B à ski tout autour. Quelques difficultés pour "chaussetter" la voiture, et nous voici parti. La vallée est encore silencieuse, on roule prudemment sur une route encore blanche. Dans une montée, je sent la voiture qui tremble, une roue qui patine, et "plop", j'aperçoit une chaussette voler dans le rétro. Arrêt sur le bord, rééquipement, première onglée de la journée. On roule 1km, et rebelotte. le temps de se faire doubler par le chasse-neige et par une voiture pleine aux as de skieurs, et c'est reparti ... pour 500m. En fait, mon équipement s'est déchiré et ne tient plus vraiment en place. Heureusement, on aperçoit le village de Maljasset, notre destination, au bout d'une ligne droite à peu près plane. Alors on sert les fesses, pour finalement arriver à destination. Les skieurs qui nous ont doublé désignent mes roues d'un air hilare "Oui ça va, on sait!"

On s'équipe, et c'est parti. Les cristaux luisent au soleil, l'ambiance est calme et reposante. Quelques traces devant, un couple en raquettes derrière  et ... c'est tout, nous sommes seuls. On commence par traverser le vallon et rejoindre un sous-bois, dans lequel le chemin s'élève pour rejoindre le col de Mary. Sortie de la forêt, toute la combe s'offre à nous. Le soleil nous aveugle, mais on ne se plaint pas car il vient également réchauffer nos corps. L'aiguille Pierre André forme un superbe menhir qui en impose, du haut de sa crête. On aperçoit sur les crêtes l'effet du vent, qui vient soulever de jolis nuages de poudre fraîche. On suit le fond du vallon sur un long replat, jusqu'à arriver face à notre objectif : "la légende d'Arthur", une cascade en 6 longueurs de 3+. On aperçoit les ressauts de glace, qui semblent bien formés, mais également de grosses accumulations de neige dans les pentes qui les séparent. Surtout, on voit bien qu'en haut, le vent est en train de chasser toute la neige dans le goulet qui surplombe la cascade. Et puis, dans cette même face, des coulées se sont déjà produites de part et d'autre. ça sent pas bon tout ça ...

La discussion est assez rapide, tant nous sommes d'accord sur la conduite à adopter: ne pas y aller. Un peu plus haut dans le vallon, il y a une autre cascade. Vendue pour un poil plus dur (4max) mais plus courte (deux ressauts en glace). C'est sur le chemin, alors on décide de s'y rendre en plan B. Et si là aussi, ce n'est pas en condition, on abandonnera la glace et nous nous dirigerons vers du ski. Ce qui n'est pas désolant, tant la journée promet d'offrir du beau ski (à condition de se montrer prudent quant au vent et aux accumulations). Nouveau problème technique : j'ai des skis tout neuf, et je découvre dépité qu'une fixation (sans doute mal vissée) a bougé sur son rail. Impossible d'utiliser la cale, et je doute de pouvoir chausser en descente ... Arrêt face à notre nouvel objectif, je cherche un tournevis dans mon sac mais celui-ci n'a pas la bonne dimension. Finalement, en tapant dessus tel un demeuré, j'arrive à la replacer correctement. Pour combien de temps? Et notre cascade alors, qu'en est-il? Et bien ... les ressauts sont bien visibles et bien formés. Ils sont en partis noyés dans de gros amas de neiges, mais la configuration de la cascade, en aval d'un plateau tout plat nous apparaît comme sure malgré ces accumulations.

Alors on y va? Bien sur!

Il nous faut trouver un passage pour traverser le torrent et passer d'une rive à l'autre, ce qui nous pose quelques difficultés. Chacun y va de sa tactique (peauter ou dépeauter?) avec plus ou moins de succès. Puis quelques conversions nous amènent au pied de la cascade du Marinet. C'est bien encaissé, toute la neige semble s'être accumulé là. On aménage une petite plateforme pour s'équiper. Déjà, on regrette d'avoir quitté la lumière pour rejoindre l'ombre. On discute de la stratégie de descente pour récupérer le matos au pied de la cascade. "Comment ça récupérer le matos? On monte avec tout et on redescend à ski!" La suggestion de Maëlle et Louis m'apparaît comme sensée, troquer la mission brassage contre la mission portage, est-ce vraiment pertinent? Louis tranche "le leader laisse ses skis à un second, ce sera plus simple pour grimper." je regarde ses crampons : "Franchement, vos crampons sont un peu limite, il vaut mieux que je fasse tout en tête avec mes crampons techniques, je te laisse mes skis". "Ok!"

J'aime quand un plan se déroule sans accrocs... :D

Premier ressaut, je voulait emprunter une pente de neige pour éviter le centre de la cascade, plus raide. Mais sous la neige affleure la glace, ce sera finalement une vraie longueur. Je ne sais pas ce qui me prends le plus de temps : brocher, grimper, ou juste déneiger au dessus de moi. Cependant la grimpe, bien que lente, est assez agréable. C'est du 3+, mais est-ce du à l'orientation, la neige ou l'absence de passage on ne retrouve pas les marches, champignons et autres reliefs habituels dans ce genre de difficultés. L'ensemble est lisse et les talons surplombent toujours fièrement le vide. Par endroits, la glace est quand même un peu fine et on entends bien l'eau couler en dessous. Alors je chemine prudemment et prends le temps de dégager mon itinéraire, afin de toujours m'assurer de la solidité de l'ensemble. Je fini par sortir, confectionne un relais sur une langue de glace et fait monter les copains. Pendant qu'ils grimpent, je contemple ce qui me surplombe: une jonction en neige et un second ressaut assez impressionnant, que le topo vends en 4. Nous sommes dans une belle gorge, à gauche comme à droite d'imposantes falaises se referment sur nous.

La jonction est un grand moment de brassage, la neige m'arrive parfois au-dessus du bassin. Le ressaut supérieur comporte, de gauche à droite : une zone de rocher partiellement glacé, un amas de glace un peu sculptée qui forme une sorte de dièdre, et enfin un ressaut de glace lisse et verticale. Je compte passer par le milieu, qui me semble offrir le meilleur compromis entre facilité de grimpe et simplicité à protéger. Pour celà, j'aimerais faire relais en rive droite, mais ça implique de traverser la gorge. Au milieu, j'entends beaucoup couler sous la neige, donc je préfère rester prudemment sur les rives. ça m'amène à faire relais au pied de la zone de glace verticale. Je tasse une belle plateforme, et fait monter mes camarades.

Pour la suite, je commence par une traversée pour rejoindre la ligne de faiblesse qui nous permettra de nous échapper par le haut. La configuration en dièdre nécessite une grimpe plus technique mais plus agréable que précédemment. La glace ancre délicieusement bien, la température parait idéale pour elle. Sur le haut, la pente se couche mais la glace laisse place au rocher et à une neige de mauvaise consistance, donc la progression n'est pas forcément plus aisée. Je me rétablis dans un replat neigeux qui marque la fin de la cascade. Autour de moi, plus de glace, juste du rocher péteux et de la neige fraîche. Je creuse pour installer un corps-mort et faire monter Louis et Maëlle. De l'avis général, cette longueur qui semblait impressionnante s'avère au final plus facile que la première dans ces conditions. Voilà, la glace, c'est fini pour aujourd'hui! On a hâte de retrouver le soleil, alors on remonte cette gorge, parfois étroite, pour atteindre une petite pente à la limite entre ombre et lumière.

C'est là qu'on chausse les skis. Le temps de ranger le matériel, et nous sommes déjà à l'ombre. Alors on repart sans traîner, pressés de se réchauffer. Plutôt que de redescendre au plus direct, on décide de monter jusqu'au pas de Chillol, pour redescendre par le vallon de Treste. C’est plus long mais ça nous évitera le plat emprunté à l'aller et récompensera cette journée par une belle boucle. Autour de nous, les sommets prennent les lumières de l'après-midi, l'ambiance est superbe. Nous sommes seuls au monde. On arrive au col en fin d'après midi, comme le temps file vite! On profite rapidement de la beauté du cadre, mais vite il nous faut dépeauter et amorcer la descente. Encore ce problème de fix', je me fait des bleu à la paume à force de taper dessus, mais heureusement, ça chausse! Quelques virages nous amènent au pied de l'aiguille Pierre André, superbe masse verticale. On louvoie dans d'imposants blocs qui se sont détachés du haut, une traversée nous amène au pied du dernier coup de cul de la journée. On repaute pour 100m, et on bascule dans la combe qui nous ramènera au parking. À cet endroit, la neige n'est pas aussi bonne qu'espéré. C'est un peu traffolé, un poil croûté. Mais ça s'améliore en descendant, j'arrive même à trouver une belle pente vierge en poudre fraîche. Plus bas, je fini la tête la première dans la neige : mes skis ont attaqué de front un requin invisible sous la neige. Premier accroc sous les semelles, et pas des moindres. Pincement au cœur, on repart.

On rejoint la lisière de la forêt de mélèze. Là, la neige devient un régal. Un derby incroyable nous attend dans ce sous-bois. Je ne pensais pas avoir tant de plaisir à skier sous des arbres. Je comprends mieux l'engouement de nombreux Gaulois pour les semaines de fête en Ubaye! Nous négocions une trajectoire en diagonale pour rejoindre le parking. On sort de la forêt, on aperçoit les voitures... mais nous venons buter contre la rivière. Infranchissable, il nous faut remonter longuement, sur une piste de raquettes. On se serait bien gardé de ce détour, qui nous mets dedans. Finalement, l'arrivé à la voiture se fait dans la nuit naissante. Heureusement, on profite de l'hospitalité de la seule maison occupée à cette époque pour appeler le gîte et calmer leur inquiétude quant à ce retour tardif.

Voilà une longue, mais incroyable journée, qui nous aura offert beaucoup de ce que nous réserve la montagne en hiver. Ce tour est une élégante façon de visiter ce vallon sous toutes ses coutures, à condition de supporter des sacs un peu lourds.