24-08-2021
Mont Blanc
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EPOUSTOUFLANT !

Même Roberto Benigni manquerait de mots pour qualifier le formidable rocher que nous avons parcouru lors de 5 jours passés en autonomie dans le Bassin du Triolet, au Refuge Dalmazzi (Val Ferret italien).

Comment est-ce possible que ce coin du Massif du Mont Blanc ne soit pas plus fréquenté ?!? Serait-ce dû à l'absence de remontées mécaniques ? A la réputation de difficulté associée au versant sud du Massif ? A la nécessité de prendre un bus l'été pour éviter les 5 derniers kilomètres de marche dans la vallée ? A la proximité de Chamonix qui attire l'essentiel des visiteurs ?

Certes, le refuge n'est plus gardé depuis 2 ans en raison de problèmes avec l'installation électrique et dans l'attente de nouveaux gardiens. Mais ce bassin du Triolet dispose de tellement d'atouts qu'il est difficile de comprendre que nous n'ayons croisé qu'une dizaine de grimpeurs lors de nos 4 nuits passées au refuge :

- une ambiance haute montagne avec le Glacier du Triolet et de magnifiques parois granitiques d'ampleur ;

- un caractère très sauvage grâce à l'absence de remontées mécaniques ;

- une montée bucolique qui se termine en via corda ;

- des approches courtes qui donnent accès à des voies bien équipées (notamment par M. PIOLA, M. MOTTO, P. GABARROU) sur un granit tout simplement FABULEUX !

Et voici un cadeau rien que pour vous : le TOPO de 95 pages du refuge en italien ! Et un petit topo incomplet en français.

 

Mais revenons au compte-rendu. Me voici donc revenu dans ce versant italien du Massif du Mont Blanc 4 ans après une grosse mésaventure. Pour l'occasion, j'ai troqué un JC contre une Claire :-)

J1 : montée au refuge

Après une nuit au camping Tronchey et une (très) longue préparation des sacs, nous garons la voiture au parking du Lavachey et prenons le bus jusqu'à Arnouva. Nous sommes chargés comme des mulets, nous avons prévu de rester 3 nuits au refuge (mais nous y resterons finalement 4 nuits !). La météo est encore assez incertaine.

La montée est d'abord tranquille en fond de vallée (d'où nous voyons l'imposant refuge jaune très haut perché !) puis sur une belle crête morainique. Claire s'arrête régulièrement pour faire le plein de myrtilles. Puis vient la raide montée finale équipée en via corda et enfin nous découvrons ce qui sera notre maison pour les jours à venir. Deux sympathiques italiens sont arrivés peu avant nous, nous serons seulement 4 dans ce refuge de 13 places pour les 2 nuits à venir. Après la corvée d'eau (à 15 minutes de marche), nous passons la fin d'après-midi à nous reposer, refroidis (enfin, surtout moi) par la perspective d'une averse qui n'arrivera jamais.

J2 : combinaison El Catalan - Cristal + Indicazioni Obbligatorie

Nous nous réveillons dans une purée digne du camp du GAUL 2021. Nous attendons donc que le soleil perce et changeons nos plans en choisissant une grande voie de proximité : une combinaison El Catalan - Cristal. Après une éreintante marche d'approche de 2 minutes, nous prenons contact avec le très bon rocher gris de cette grande voie bien équipée de 7 longueurs en 6a max. Une belle entrée en matière toute en dalle que nous grimpons en réversible. Claire randonne dans la longueur en 6a.

Les cotations gentilles nous incitent à viser plus dur pour un 2ème projet : la voie Indicazioni Obbligatorie. Dans cette voie de 5 longueurs à 15 minutes du refuge, les cotations nous paraissent plus sévères et l'équipement est nettement plus espacé (sauf dans le 6b). Je m'emploie dans une dalle technique en 6a. Depuis une heure, Claire me harcèle littéralement pour passer en tête dans le 6b, je finis donc par m'incliner et c'est elle qui s'attaque à une succession de passages surplombants en bon rocher. Malgré un louable acharnement, elle finira par rendre les armes sans avoir vu ce petit bac à gauche :-) qui me permettra de passer quelques minutes plus tard.

Une belle première journée de grimpe !

J3Aiguille de Savoie, arête sud-est (voie Preuss).

Compte-rendu à venir. Une fantastique journée (14 heures d'effort !) pour parcourir cette longue arête en très bon rocher, dans un isolement total !

J4 : enchaînement Vento Polare - Profumo Proibito.

Pour cette journée, nous prévoyons un réveil tardif pour récupérer des efforts de la veille. Objectif : la Manera à la Pointe Nord des Monts Rouges du Triolet. Malheureusement, après des dizaines de minutes de recherche, il faut se rendre à l'évidence : l'une des cordées est partie avec mes crampons (ou plus, exactement, ceux que Sylvie m'avait prêté !). Nous devons donc changer nos plans puisque cette course présente une approche glaciaire.

Après 15 minutes de marche d'approche où Claire commence à montrer des signes de fatigue, nous attaquons Vento Polare, sous l'oeil de plusieurs bouquetins dont l'un tentera même de me précéder dans la voie ! La première longueur en 6a (qui peut être évitée par une variante en 5b/c) est difficile, avec quelques mètres en dalle fine puis un surplomb à grosses prises. En second, Claire bataille pendant près d'une demi-heure dans cette longueur, manifestement épuisée par les efforts de la veille. Heureusement, les 3 longueurs suivantes déroulent mieux, puis après une centaine de mètres en corde tendue en 2/3, nous atteignons des gradins qui nous permettent une pause sieste salvatrice.

Depuis ces gradins, une marche de 15 minutes bien cairnée permet d'atteindre le pied de la face Est de la 2ème Pointe Centrale (3289 m) des Mont Rouges du Triolet, parcourue par des voies qui ont fait la réputation du secteur. Là se trouve notre objectif : Profumo Proibito. Du pied, nous sommes impressionnés par la raideur de la face, il semble difficile d'imaginer une voie en 5c/6a passant par là, je vérifie bien que nous sommes au bon endroit...

Je m'élance dans un dièdre, le début de la première longueur se déroule sur un beau granit gris, puis l'escalade se raidit franchement avec de très beaux mouvements. Dans la 2ème longueur, le rocher se pare d'une chaude teinte orangée, nous grimpons sur une magnifique dalle aérienne (comment est-ce possible ?!?) avec un petit surplomb qui nous a semblé plus difficile que la cotation 6a annoncée (mais qui est heureusement muni d'une corde pour tirer). Derrière nous, la Face Nord des Grandes Jorasses se dévoilent.

Quant à la suite, je n'ai pas les mots devant tant de beauté. Fissures, écailles, dalles, surplombs à grosses prises, passages aériens sur knobs, tout y passe ! Le granit incrusté de quartz que nous foulons est d'une qualité phénoménale. La 3ème longueur en particulier (presque 50 mètres) emprunte une fissure crochetante magnifique, plein gaz, on navigue à droite, à gauche, c'est jouissif !

Au bout de ces 7 longueurs de plaisir, nous débouchons sur la crête sommitale de cette face est. L'heure est déjà bien avancée, nous ne prendrons malheureusement pas le temps de rejoindre le sommet (à une cinquantaines de mètres de dénivelé, toujours sur un rocher magnifique). Pour redescendre, nous empruntons les rappels de la voie Cristallina, plus raide (6b max) mais qui semble tout aussi magnifique que sa voisine. Il faudra revenir !

J5 : du Refuge au Château

Pour cette ultime journée, nous avions bien prévu une petite grimpe de proximité mais après la voie de la veille, difficile de se motiver. Nous décidons donc de redescendre tranquillement dans la vallée où nous croisons les coureurs de l'UTMB, avant d'aller manger au Ristorante Lavachey, tenu par la famille GRIVEL, puis de faire le plein d'alcool à Courmayeur.

Les bouchons au Tunnel du Mont Blanc entame à peine notre bonne humeur. Nous nous arrêtons même prendre une douche sur une aire d'autoroute car ce soir nous avons l'honneur d'être invités chez la Châtelaine du GAUL.

Mais c'est une autre histoire...