06-03-2021
Belledonne
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PD
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A l’assaut des Grands Moulins :

Tels des Don Quichotte de banlieue nous voici partis à l’assaut des Grands Moulins. Et ce ne sont pas quelques bourgeons, les nids piaillant d’une nouvelle génération qui entameront notre résolution à terrasser les géants.
Il n’empêche un printemps précoce nous cueille à l’orée de la forêt de Varrat. Plus de neige qui crisse mais des brindilles qui craquent, le précieux tapis blanc à foutu le camp. Nos armes inutiles en bandoulière nous cheminons sans grande prestance dans le sous-bois vers le vallon de la Frèche. En route les Sylvains de la forêt je les entendis bien souvent nous moquer, avec leurs rires enfantins, mais je ne les voyais presque jamais.
Enfin il est temps de raccorder nos lattes à nos chaussures. L’esprit chevaleresque regonfle au sein du bataillon. Quelle allure comparée à ces manants chaussés de raquettes ! Au-dessus un petit raidillon franchi prestement sous un soleil de plomb, le champ de bataille s’ouvre sur un vallon débonnaire, surplombé par une terrible gueule tout en canines noires (les gencives cette année sont étonnement roses). Les géants nous dominent. Nous apercevons une brèche à travers leur rictus, direction le col de la Frèche, nous les prendrons à revers par la face sud.
Cependant une conversation s’engage sur l’amour courtois : un noble chevalier doit-il évoquer sa maitresse ou bien parler de son PQR ? Qu’est-ce qu’un crush ? Le printemps est-il précoce aussi chez Tinder ? La palme du poétiquement douteux reviendra naturellement à notre princesse des vestiaires. Mais on ne badine pas avec l’horaire, ni avec le soleil de la Mancha. Sur un rappel à l’ordre de François notre troupe s’ébranle, direction le col vite atteint, brève descente côté Belledonne, plein sud. Arrivés au pied de la face l’ascension débute et très vite n’en finit plus. C’est raide, ça cogne, les esprits s’échauffent et s’enfoncent dans le délire. Certains voient des gueules de baleine, d’autres croient marcher sur des crabes, je suis à couteaux tirés face à une neige qui se dérobe. Comble de malheur, une partie de l’armure de Thibaut dégringole en contrebas tandis que je me perds en inepties. Me reviennent en mémoire les vers d’un vieux seigneur : « la route est droite mais la pente est forte »…Quel ménestrel celui-là ! Amandine est à la peine, Thibaut pleure son armure, mes mollets me lâchent : vaincue par la soupe, notre fière troupe est défaite. Néanmoins deux soldats résistent à la gravité, Jef et François poursuivent avec abnégation vers le haut, François ayant choisi de passer par l’arête alors que nous nous entêtons dans le couloir de descente. Mauvais choix que nous devrons assumer jusqu’au bout. Chacun compte ses pas et finalement le sommet se découvre. Point de géant aux Grands Moulins, ni de princesse en péril, mais une récompense bien plus raffinée : mon jambon beurre cornichons.
L’esprit des lieux nous salua sous la forme d’un vieux lutin barbu qui disparut bien vite dans un couloir face nord. Ragaillardis et triomphants nous rebroussons chemin par le même itinéraire de monté. Les virages nous rendent le sourire, je bave même un peu. François s’entraine aux virages sautés, Jean-François fléchit, Amandine reste digne et Thibaut fait le beau. Remontée au col, vallon débonnaire, forêt mesquine contournée par une piste forestière praticable en pointillés, la descente fut ludique et variée.
Amandine a prévu les cervoises. L'âme en panache, nous regagnons nos quartiers grâce à notre Rossinante.