14-03-2021
Belledonne
1900
AD
1
Doutes et décisions pour une très belle course
Vendredi soir, me voilà face au dilemme du samedi : sortie rando avec les amis. Le temps est incertain, les copains pas libres, les conditions risque 3 au-dessus de 2200m sauf en ouest ? Belledonne, pas trop loin à la journée, je cherche et pense à la montée vers la Croix de Belledonne qui est surtout ouest et cela fait longtemps que nous ne sommes plus allés par là. Cela laisserait la possibilité de sentir les conditions sur place et d’aller soit en nord, soit en sud selon l’instinct. Il a reneigé 10 à 20 cm selon la météo, mais les dires des copains et la très longue période de beau que nous venons de vivre, me laisse penser que la nivo est un peu pessimiste. Pas facile de s’imaginer les conditions quand on n’habite pas au pied des montagnes ! Je vérifie que le parking à 1350m au-dessus de Freydières est déneigé et accessible. Il restera sans doute 40 minutes de portage pour chausser les skis ! Le réchauffement climatique nous habitue à ces départs précoces en altitude. Par moment, cela m’obsède. Devons nous faire toute cette route pour un jour de ski ? Est-ce que ma petite fille pourra, elle aussi goûter à ces joies dans quelques dizaines d’années ?
J’élimine plusieurs autres possibilités. JC me dit qu’il encadre une sortie du Gaul sur le tour anti-horaire de la Grande Lance de Domène et se met le challenge de dépasser les 2000m de dénivelée en passant par la Croix de Belledonne au préalable. Je connais bien l’endroit. Les pentes nord du col des Lances me paraissent pouvoir « craindre », trop de dénivelé pour Monique, mais je conserve ma première inspiration. Nous verrons sur place.
Levée 5h, dur, dur, mais la fenêtre météo courte du matin et la sécurité nous l’impose. La météo est toujours pessimiste avec du « très nuageux » à partir de 12h. Cela vaut il le coup de faire 4h de route pour naviguer dans un temps blanc ? Nous parions sur un retard de la dépression.
Sur place, il y a plein de Grenoblois. Nous partons à notre rythme et nous nous faisons doubler par plusieurs « collant-pipette », jeunes et forts. C’est un peu déprimant, mais il faut accepter notre âge et notre pratique avec matériel de rechange, pharmacie de secours, casse-croûte, eau à profusion ! Quels regards ont-ils sur nous ? Dinosaures du ski de rando ?
En montant, je vise la très belle face sud à gauche de la Grande Lance qui a l’air en bonnes conditions si le soleil continue de chauffer. On verra. Nous retrouvons JC et son groupe. Irons-nous à droite en nord ou à gauche en sud ? Pour l’instant j’observe. Finalement le tour anti-horaire que je connais, me tente, quitte à faire demi-tour si les conditions sont dangereuses. Mais cela veut dire 1800m à 1900m de dénivelée au bas mot. J’interroge Monique qui ne cesse de me surprendre et me dit pourquoi pas ? Et puis JC et ses copains devraient nous suivre ? Nous montons au col de Freydane et trouvons la descente face nord en super conditions. Belle poudreuse dont nous nous régalons jusqu’au Lac Blanc. Je regarde la montée raide jusqu’au col des Lances avec appréhension. Nous sommes seuls et je vais devoir faire la trace. Mais petit miracle, deux skieurs sont devant nous et peinent dans la partie raide sous le col. Nous poursuivons et suivons leur belle trace parfois effacée par le vent qui se lève avec les nuages. Sous le col, mes appréhensions étaient justifiées. C’est un peu plaqué, mais avec cohésion au début, puis avec une épaisseur raisonnable lors de la rude montée à pied final. Monique suit avec son train de sénateur admirable ! Au second col, la descente sur le col du Loup est gelée. Vers le haut, une ancienne trace mène vers le Pic du Loup, antécime de la Lance de Domène. Le temps tient. Et si nous remontions pour traverser le pic et descendre la belle face sud aperçue à la montée ? Cent mètres seulement de plus. Monique est toujours d’accord. C’est parti. La traversée du Pic du Loup un peu alpine est magnifique, nous montons tous les deux dans un univers immaculé que nous adorons depuis toujours. Quelle chance d’être là. Une courte descente à pied avec précaution et nous chaussons pour 1000 mètres de neige moquette, raide et douce. Nous virevoltons. Que ce sport est génial quand les doutes s’effacent et qu’il ne reste qu’à s’enivrer de ski libre dans un tel décor !
Un petit portage final, une rapide bière à la Gelinotte où Freddi œuvre pour la montagne de demain dans Mountain Wilderness. Nous rentrons en imaginant les prochaines sorties avec tous les doutes autour ! Par bonnes conditions, je ne peux que conseiller cet enchainement grandiose à deux pas de chez nous. Mes doutes et décisions ont payé. Aujourd’hui tout nous a réussi. JC a fait son challenge de 2100m. Je ne devrai pas le dire en ces temps moroses, mais la vie est belle.