10-03-2021
Haut Giffre - Aiguilles Rouges
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On commence à planifier la sortie le soir, après un superbe dîner à base de croziflette, salade et crumble aux pommes que Ségolène nous a préparé. On se répartit en 2 groupes : Emeric a fait un rêve… lui et Anaël partiront le lendemain très tôt pour profiter de l’ambiance glaciaire de la traversé des Trois Cols et Luc, Ludo, Ségolène et moi, nous partirons avec un peu plus de calme en direction de la Pointe de la Terrasse dans les Aiguilles Rouges. 

Au début on envisage une jolie boucle qui monte à la pointe en passant pour le col homonyme et après redescend du côté ouest vers le col de Corbeaux et dans le canyon de la vallée de Très Les Eaux (http://www.skitour.fr/topos/pointe-de-la-terrasse,4473.html). Il faut se méfier des conditions printanières de cette fin d’hiver où les températures sont un peu folles et heureusement Luc et Ségolène s’aperçoivent que la descente dans le canyon ne va pas être si triviale, à moins d’avoir un maillot de bain et une corde! Les photos des ressauts d’eau déneigés et le commentaire ‘Et bien, ça ne passe plus à moins de faire du canyoning...’ nous amènent à considérer dès le début un plan B : montée et descente par le même itinéraire avec possibilité de descente sur le côté Suisse jusqu’au lac du Vieux Émosson, histoire de profiter de la bonne neige fraîche tombée les jours avant.

Le matin on se réveille tranquillement, nos camarades sont partis tôt et ils sont sûrement déjà en train d’attaquer la montée pour les pistes. La Poupard-mobile nous amène en direction de Vallorcine jusqu’à le Couteray, point de départ de notre sortie. En se rapprochant, on voit les pentes sud-est par où on doit monter vers le chalet de Loriaz, déjà bien ensoleillées et déneigées: il faudra porter les skis sur le dos…mais le printemps ne commence plus le 21/03?!? Skis fixés sur le sac, on commence la montée dans la forêt sur une piste forestière qui remonte régulièrement en faisant des grands zigzags. Après 250m de portage on peut chausser les skis et continuer la montée dans la forêt jusqu’au premier replat … là se termine la forêt et la vue s’ouvre. On s’aperçoit vraiment de la beauté du panorama qu’on a en face : l’aiguille Verte et l'Aiguille d’Argentière s’élèvent devant nous dans un ciel bleu et les langues des glaciers nous parlent d’une ambiance différente, raréfiée, blanche et intacte. On voit les remontées mécaniques des stations pas très loin, immobiles et silencieuses … un petit cadeau du Covid, si on veut voir le verre à moitié plein.

Il commence à faire vraiment chaud, l’expo sud-est de la combe la transforme rapidement en un four: on se tartine de crème solaire, Luc sort sa casquette, on enlève des couches (quelqu’un en enlèvera beaucoup trop laissant peu de place à l’imagination, histoire de ventiler les jambes dit-il…vous devinez qui?!?) et on continue la monté vers le col de la Terrasse. On commence à remonter le col avec les skis, il y a une bonne trace qu’un groupe de chasseurs avait fait avant nous, mais la neige tombée le jour avant sur un fond dur commence à se réchauffer et ça glisse un peu. On déchausse que pour les derniers 20m, la sortie se fait vers la droite pour éviter une belle corniche qui couronne le col et les rochers à côté. La plupart mettent les crampons et la montée se fait tranquillement. Il y a quand-même quelque rocher sur la pente en bas de nous, on y va doucement.

Au col la vue est magnifique, le panorama s’est encore élargi et plusieurs sommets aux noms  célèbres se défilent à l'horizon en direction est. On remet les skis pour les derniers 100m de douce montée vers le sommet. On s'arrête au col du Sassey juste en bas de l'énorme pylône électrique qui se trouve avant le sommet, un géant métallique qui semble être resté pétrifié devant ce panorama incroyable...hélas, lui il n’est pas autant esthétique! La vue est à 360°: le Mont Blanc imposant et finalement visible juste en face, ses aiguilles voisines alternées par les glaciers, l’abri Vallot est un point brillant dans le blanc des neiges. De l’autre côté, des sommets des Aiguilles Rouges nous entourent: le mont Buet et le Cheval Blanc les plus proches.

Les esprits remplis par cette vue magnifique, on prend rapidement une photo de groupe et on commence à penser à la descente. Sur notre longue liste de plans A, B, C1, C2, … Luc y avait mis aussi la descente par le couloir nord-est (http://www.skitour.fr/topos/pointe-de-la-terrasse,1868.html), que le groupe de chasseurs et un autre petit groupe de riders ont emprunté pour descendre dans une bonne poudre conservée fraîche dans l’ombre. Normalement on prend ce couloir depuis le col de Sassey mais aujourd’hui une épaisse corniche équilibriste bouchonne la sortie...personne n'a envie de la sauter en se lançant sur une première pente à 45°. Les groupes qui nous ont précédé ont choisi la sortie directe à gauche du sommet, mais les premiers mètres à 45° sur une neige dure ne convainquent personne et on retombe sur le plan B plus conservateur: quelque virage dans la poudre vers le côté suisse et puis on redescend par le col de la Terrasse et l'itinéraire de montée.

Ces premiers 100m de poudre légère sont un vrai petit plaisir, les virages s'enchaînent sans effort: ça se termine beaucoup trop tôt! On redescend par le col avec les skis, dérapage dans une soupe épaisse sur les premiers mètres pour éviter quelques rochers, on s’aperçoit immédiatement du changement de versant! Heureusement le ‘dark side’ est à côté et il nous attire vers la partie finale du couloir nord-est avec une sombre promesse de poudre légère: Ségolène et moi on y va et Luc se tire vers le couloir ombragé le plus haut possible, suivi par Ludo. A nouveau du plaisir en apesanteur! On enchaîne des bons virages et il y a même quelques galipettes qui permettent de rafraîchir les esprits avec la poudre qui rentre partout...pendant quelques instants on a l’impression d’apercevoir un yéti!  Sur les dernières pentes avant le replat le groupe se divise: les filles vers le soleil et les garçons restent dans l’ombre. La neige tombée hier a été bien transformée par le soleil, en fonction des orientations on y retrouve tout type de neige: poudre plus ou moins lourde, croûte, soupe, moquette...j'ai pas assez de vocabulaire.  Je traverse la pente et laisse aller les spatules sur une bonne couche de neige en état ‘sorbet’, des gros virages et du ‘woooshhhh, woooshhhh’ ... quand on dit surfer! Ces sensations printanières me rappellent les descentes dans les Pyrénées, pendant un instant je ne sais plus où je suis. La vue des glaciers me rappelle pourtant qu’on est bien dans les Alpes, quel bonheur! Finalement on rejoint la piste forestière: du cross-skiing avec plusieurs raquetteurs-obstacles qu’on double, doucement. Dernier bout avec les skis sur le dos et on est à nouveau sur le parking, prêts pour rentrer dans notre chalet de luxe et se joindre avec nos camarades et écouter leurs belles aventures glaciaires. Cette fois Luc nous prépare un menu typiquement savoyard: diots au vin blanc sur un lit de pommes de terre et tarte aux noix...la dure vie du montagnard! ;)

Merci à cette belle équipe de gaulois.es!