18-02-2023
Mont Blanc
2000
1090
3061
F
1

Les temps sont durs.

Mi-février et on doit déjà basculer le curseur sur la position mi – Mai… Pas évident de trouver le spot idéal ou le moins pire pour faire de la bonne ride. Avec le camarade, on se plonge dans les cartes et topos, le cerveau fume… La veille on ne sait toujours pas ce qu’on va faire, mais comme souvent, c’est toujours la première idée qui reste en tête d’affiche et remporte le suffrage.

La journée du lendemain s’annonce plutôt sport sur le papier.

Du coup, on file vers un petit resto en espérant que les rations seront copieuses. Sur le trajet, une petite halte à la boulange et Juju, serein, se prend un casse-dalle au bœuf sauce bolo à 2 euros pour le lendemain.

Juju : « C’est ça qui fera la diff camarade ! » Pas inquiet le copain.

Pour le soir même, nous jetons notre dévolu sur un tacos. On est à Ugine. Le chef tacossier nous stoppe direct dans notre élan de commande et nous avertit : « Attention il y a une heure d’attente les gars ! » Des chips et coppa pour patienter, le tacos envoyé et hop au lit !

 5h15, le réveil sonne.

1 petite heure de route et nous voilà sur le parking de la Gruvaz. C’est l’aube, belle ambiance. Un gars en solo part déjà la frontale vissée sur le front et s’élève à vive allure sur le chemin forestier.

On fixe direct nos boards sur le sac, c’est sec ici, ça va porter dur. Enfin, pour notre Juju ce sera un portage intégral et surement un beau défi physique. En effet, le camarade a opté pour la tactique raquette et board sur le dos. De mon côté, n’ayant pas de raquettes, le choix était vite vu. Le chemin est bien sec et jonché de parties en glace vive. On évolue sur ces lacets en passant à côté de petits chalets de ci, de là. On espère secrètement que le 4x4 légendaire vu sur un topo viendra nous poser aux Chalets de Miage mais rien ne vient. Plus de doutes, ça se fera à l’ancienne.

Après pas mal de lacets, on débouche sur une partie un peu plus enneigée. Je mets les lattes aux pieds. Rapidement, on arrive sur le plateau des Chalets de Miages. Un autre monde s’ouvre à nous, celui de la haute montagne. La traversée de ces pâturages se fait sous l’œil avertit de la face nord des Dômes de Miages. L’ambiance est grandiose. Le ciel, un peu moins.

Des nuages relativement épais semblent s’être invités à la fête. Avec le camarade, on le sait, s’ils décident de rester coller au Tricot, on file droit vers la correctionnelle. L’occasion donc de faire une petite halte pour faire un point météo et ravito. D’après météochamonix, ces nuages devraient partir rapidement et laisser place à un beau soleil. On repart donc confiants et on poursuit notre route en longeant un petit ruisseau.

On se dirige ensuite vers la fameuse gorge moyennant une petite traversée. Arrivés sur un replat surplombant la gorge, Juju décide de troquer ses raquettes pour sa paire de crampons. Dépôt de raquette dans un petit bosquet d’herbes à l’abri de regards indiscrets. Je mets également les crabes. Un groupe de 4 contaminards nous rejoint. Ils semblent vouloir aller vers le couloir de la chèvre et Juju leur indique que ça passerait surement mieux direct à gauche. Le contaminard sûr de lui, lui fait comprendre que c’est son terrain ici et qu’il connaît bien. Il s’engage ensuite ski aux pieds sans couteaux dans la traversée pour rejoindre la gorge. Et rapidement c’est la déconvenue, oui c’est raide et oui c’est béton. Notre contaminard se retrouve dans une position précaire, un camarade vient à sa rescousse et lui sort son piolet. Il arrive tant bien que mal à se stabiliser et opte finalement pour les crabes, tiens donc… En passant devant lui, le camarade Juju d’un petit air légèrement moqueur lui lance : Alors, t’as eu un coup de chaud non ?

Le contaminard : "Non, non,  nickel t’inquiète. "

La neige est béton et le dénivelé s’avale rapidement avec les crampons. Il règne une superbe ambiance dans cette gorge qui forme un  joli couloir de neige encadré par deux rampes de rochers. La pente y est relativement soutenue. Arrivés au replat, on se fait une petite halte au soleil avec le groupe de contaminard qui nous rejoint, ainsi que deux jeunes plutôt sympathiques. On reprend notre route, Juju avec sa board vissée sur le sac et moi en mode split pour rejoindre le bas du cône du couloir. Le soleil commence à nous réchauffer plus sérieusement ; le mode une couche est activé. Arrivés en bas du cône, on se refait une courte halte, le temps que j’enfile mes crabes et dépose peaux de phoques et couteaux pour alléger un poil le sac. Ca y est, on peut attaquer la dernière partie, les 400 mètres de couloirs.

Le soleil tape de plus en plus fort, cela nous freine dans notre ascension mais on arrive à trouver des zones d’ombre salvatrices en rive gauche de la ligne. La neige est encore relativement dure malgré cela, c’est une bonne chose, on est pile dans l’horaire. Le couloir se raidit doucement au fur et à mesure de l’ascension. On sort par la rampe de gauche. On dépose les boards dans une petite niche de neige et terminons les derniers mètres à pieds. 3 camarades attendent déjà là-haut, sous toile de Mont Blanc et de face nord des Dômes, il y a pire ! Et c’est à ce moment précis que le Juju fait parler sa légende : il sort le paquet de crocos ! Comment résister à ces petites bestioles de toutes les couleurs, ça donne la banane et du baume au coeur! Il m’a convertit !

Un bref coup d’œil à la montre, on est même en avance ! 30 bonnes minutes devant nous à pouvoir profiter du paysage grandiose, prendre des photos, refaire le monde, se délecter de fondant aux noix, de sandwich au bœuf et à la sauce bolo pour Juju (à gerber selon mes critères) et bien sûr de ces petits crocos très bienvenus ! L’ambiance est détendue. On se retrouve à 5 à attendre le décaillage en papotant. Un gars en solo à l’allure de Rancho qui semble en avoir vu quelques-unes, le camarade compétiteur en skialpi et son pote un peu plus taiseux.

Rancho est arrivé depuis une bonne heure et il nous lance : « AH les snowborders !! Alors les gars, comment vous le sentez-vous niveau horaire ? »

Avec Juju on se regarde et on lui lance : « ba on pensait droper dans une petite demie heure pourquoi ? »

Rancho : « Ba parce que, je me cale toujours sur le ressentis des snowboardeurs qui préfèrent rider plus mou que dur ! »

Juju et moi : « Hahaha ! Et du coup tu valides ? »

Rancho : « Vous pouvez même attendre une heure les gars, vous n’êtes pas pressés, ce sera encore mieux ! »

Il nous montre ensuite une ligne dans la face nord des dômes de Miages : « Vous voyez les gars, ça passe juste à gauche du sérac et ça traverse ensuite mais c’est une ligne qui est en condis 4 fois dans l’année ! »

Tu sens le gars pas inquiet et clairement en mode repérage.

Nos deux camarades signent le départ et 5 minutes plus tard Rancho lance : « Bon allez, je vais aller voir mais je ne suis même pas sur de descendre si c’est béton. »

Avant de partir il nous dit : « De toute façon dans mes sorties c’est 80 pourcent skis sur le dos. » Puis il file et nous salue.

 On se retrouve seuls au sommet, l’ambiance est paisible, on n’est pas pressés. On profite.

14h15, on se remet en route, la cuisson doit être optimale :) Après s’être équipé, c’est le drop tant attendu dans la ligne ! Le premier virage donne toujours le ton. Le son de la board au premier contact avec l’or blanc sonne plutôt bien ! La neige est juste parfaite, sauf à de rares endroits où elle est un peu plus dure mais rien de méchant.

Juju lâche tellement les chevaux qu’on pourrait croire qu’il descend une piste rouge, impressionnant de facilité le camarade ! Avec cette qualité de neige on prend un réel plaisir à rider cette ligne très esthétique ! Le sourire jusqu’aux oreilles on retrouve nos affaires au pied du cône et on enchaine dans la zone de jonction en tranfo parfaite, un petit ollie pour le camarade juste avant de droper dans la gorge. La ligne est de toute beauté. La neige est un poil moins décaillée mais ça suffit amplement pour se faire plaisir dans cette magnifique entaille qui prolonge parfaitement et de manière logique le couloir sud.

S’en suit une traversée pour rejoindre notre itinéraire de départ dans de la neige un peu plus croutée mais avec un bon grip. On retrouve ensuite les pâturages des chalets de Miage. Et c’est board à la main que nous allons chercher les 50 derniers mètres de denivelés pour ensuite refaire un p’tit coup de snow sur le chemin forestier. Puis, nous terminons à pied.

Et hop, c’est le clap de fin d’une superbe bambée sauvage en montagne, le sourire aux lèvres. Signe d’une sortie réussie et tout ça à grands coups de tacos, sandwich au bœuf sauce bolo, moelleux aux noix et poignées de croco ! On en conclut que c’est ptet une bonne base au final.

Merci au camarade Juju pour sa motivation et force à lui pour avoir su relever le défi du 2000 de D+ en raquette portage.

Chapeau l’artiste.