22-07-2021
Ecrins
3983
AD
15h
1

Nous avions évoqué la possibilité de rester à la Bérarde quelques jours après la fin du camp si les conditions se montraient propices à quelque déambulation en montagne. Bien nous en a pris !

Avec une météo sympathique lors du dernier weekend du camp de nombreuses grappes de gaugau s'étaient constituées et réparties dans les refuges alentours. Après un chouette moment à partager nos aventures et échanger nos au-revoir-à-bientôt le calme revient dimanche soir sur le camping qui nous semble alors bien dépeuplé. C'est à ce moment que Claire lance l'idée tout à fait enthousiasmante et angoissante de réaliser la traversée de la Meije. Un projet épais à notre niveau. Aurions nous les yeux plus gros que le ventre ? Les yeux brillent et les papilles frétillent. Pour sûr ce projet fait envie !

Lundi matin, après avoir vérifié les prévisions météo et réservé les refuges nous décidons de mettre toutes les chances de notre côté en sollicitant les avis et conseils d'Emeric pour nous aider à préparer au mieux la course. Il nous délivre de précieuses indications sur ce parcours qu'il connait bien : cheminement, points de repères caractéristiques et stratégie à adopter. La recherche d'itinéraire de la montée au Grand Pic apparait un des points clés pour éviter de prendre des risques et d'exploser l'horaire. Afin de l'étudier dans le détail nous croisons les sources disponibles. Pendant deux jours tout y passe : récits d'Emeric, visionnage de vidéos gauloises, schéma du topo Cambon, topo c2c, récits photos en ligne et deux topos papier ! Nous sommes habités de tous ces noms qui peuplent la voie : le crapaud, les demoiselles, Duhamel, Castelnau, l'âne, les Autrichiens, le chat, le cheval rouge, Zsigmondy et Dieu lui-même... (ou elle-même ?) Oscillant toujours entre excitation et une pointe de tension, au moins avons nous appris l'itinéraire par coeur !

Nous quittons la Bérarde mercredi matin. Au fil de la randonnée d'approche la muraille de la face Sud se dessine de plus en plus nettement jusqu'à nous dominer complètement. Le refuge du Promontoire est encore calme quand nous arrivons en milieu de journée. Déjeuner, sieste, puis nous sortons repérer la portion de l'itinéraire que nous souhaitons parcourir avant le lever du jour le lendemain matin. La voie démarrant juste à côté du refuge, un guide sympathique et expérimenté nous donne quelques conseils depuis la terrasse. Au cours du diner nous croisons d'anciens du club (David, Emeric... vous avez le bonjour de Lionel). Les gaulois sont partout !

Jeudi matin pas moins de huit cordées s'engagent dans l'ascension ! Assez rapidement nous sommes en queue de peloton. Hormis un passage de vires mouillées, exposées et moyennement protégeables où, vraisemblablement égarés, nous ne voyons pas les pitons présentés dans les topos nous trouvons nos repères sur le long cheminement qui nous mène à toutes ces rencontres tant attendues. Les passages sur le fil, plein gaz, nous invitent à l'humilité sur cette grande montagne. Progression corde tendue, en ayant tiré seulement une longueur dans la cheminée des Autrichiens, nous passons tout de même 7 heures depuis le refuge pour atteindre la sommet du Grand Pic ! où nous savourons le panorama et exultons la satisfaction d'avoir parcouru la partie la plus compliquée de l'itinéraire. Il ne nous reste plus qu'à traverser les arêtes. Plus qu'à...?!?? 

La beauté de ces arêtes élancées vers le ciel et complètement vertigineuses est fascinante. Nous impressionne aussi. Beaucoup. C'est véritablement une deuxième course qui commence.

Rappels, passage sur un rasoir, puis traversée et goulotte en glace - dans lesquelles la présence d'un câble simplifie bien la vie - donnent rapidement une autre allure à la course. Petit coup de moins bien au moral des troupes, plutôt que les désescalades nous tirons des rappels pour descendre des dents successives. La fatigue se fait sentir. Nous exprimons un peu de nervosité, en veillant à nous maintenir déterminés et concentrés. Nous évoluons sur le fil, au milieu du ciel. En conscience nous choisissons de ralentir le rythme afin d'assurer notre progression en sécurité. Ainsi le parcours aérien et magnifique du Grand Pic au Doigt de Dieu nous occupe pendant 6 heures. Quel voyage ! Nouveaux cris de joie au sommet.

Deux heures supplémentaires nous sont nécessaires à descendre les rappels suivants et le glacier jusqu'au refuge de l'Aigle, tout beau tout neuf, où nous arrivons peu avant le JT de 20:00 en nous excusant platement auprès du gardien d'avoir dépassé l'heure du dîner. Rassurant, il nous raconte qu'il est habitué à voir régulièrement des cordées arriver au milieu de la nuit. Attentionné, il nous sert le repas dont il nous avait conservé une part et que nous dévorons... en compagnie d'autres anciens du club ! Les gaulois sont vraiment partout !

Après une "grasse matinée" à nos yeux amplement méritée et une descente jambes lourdes mais sans encombre dans la vallée, nous avons la chance d'être rapidement pris en stop par plusieurs conducteurs sympathiques qui nous ramènent par tronçons successifs jusqu'à la Bérarde. Le retour sur Lyon est animé par le debrief de cette belle traversée, grosse réalisation à notre échelle, que nous sommes heureux et fiers d'avoir menée à bien et qui nous laissera assurément d'intenses souvenirs !

En conclusion, mes excuses pour les longueurs de ce récit, nous avons bénéficié d'excellentes conditions pour cette course :

- longue journée ensoleillée, sans vent ni risque d'orage

- glacier carré bien couvert de neige et tracé, bon regel, permettant une progression aisée et évitant les risques de chute de pierre sur les vires situées en-dessous

- traversée et goulotte Zsigmondy tracées (de belles marches) et câble accessible sur la majeure partie de ces sections

- conditions de neige favorables sur la traversée des arêtes

- coaching quatre étoiles de la part d'Emeric : itinéraire, stratégie, motivation, diététique, repos, laçage des chaussures... Big up ! Un grand merci beaucoup.