24-08-2023
Mont Blanc
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Ma dernière vraie voie d’escalade sur coinceurs date de juillet 2020 (hormis un Chassé-Croisé à l’arête des Cinéaste l’année dernière). Je suis donc motivé, mais prudent lorsque JB me suggère d’aller au petit clocher du Portalet, un endroit que je ne connais que de nom et que j’associe avec la grande difficulté. Il s’avère que le clocher est en effet petit (environ 200m), partiellement équipé (relais et nombreuses plaquettes dans la plupart des voies) et pas forcément si dur (voie normale en 4 avec deux pas de 6a dalle équipés, et nombreuses voies dans le 6a-6b obligatoire). JB a lui aussi 3 ans de pause à surmonter, mais nous choisissons, bizarrement, une voie avec 3 6c ! Un dernier reste de raisonnable et ma peur du vide me poussent à lui imposer Le Chic, le Chèque, le Choc, dans la face la moins raide, plutôt que Plaisir Immédiat, du même niveau mais dans la face nord bien plus verticale et austère.

Flemmards, nous dormons au camping de Champex. Cela nous permet, après 1h30 de cuisine sur deux réchauds, de faire baver l’ensemble des randonneurs du tour du Mont Blanc tournant à la semoule et au saucisson depuis dix jours : côtelettes d'agneau, poêlée de courges et poivrons, fondue d'aubergines à l'ail, semoule aux épices. Le réveil est cependant rude à 4h du matin. La montée, heureusement, commence par du plat et une traversée alternant courtes montées et descentes. Au jour, nous attaquons une montée efficace et très bucolique dans un vallon couvert de myrtilles et parcouru de chamois. Nous nous encordons pour franchir les vires souvent décrites comme expo qui donnent accès à la face sud : c’est rando et équipé de quelques points là où c’est utile. Nous attaquons à 9h. Le premier 5c me pique bien. JB se met au taquet dans le 6a qui suit, et j’ai moi-même l’impression de devoir serrer fort pour franchir le dernier ressaut. Nous voilà au pied du premier 6c… Je m’affale sur la plate-forme du relais et gamberge. Heureusement, il fait beau, il fait bon, je vois 5 plaquettes alors que je m’étais préparé à une voie non équipée… je me lance. Ca passe tout seul, en alternant plaquette et coinceur dans une bonne fissure. C’est 6c, mais 6c sur du rocher qui accroche comme un Gaulois sur un comptoir de bar, avec un bon point tous les 6-7m et des friends hyper solides. La deuxième partie de la longueur se calme. J’arrive au relais serein et fier de moi. JB suit rapidement, sous les premières gouttes d’une légère averse. Enfilage de veste. Hésitation. Le ciel est bien gris, la météo annonce de fortes averses dans l’après-midi et il est onze heures. D’un autre côté, plusieurs cordées de guide sont en train d’arriver ou attaquent la voie normale sans sourciller. Mais la pluie forcit : repli. Nous prenons la drache en arrivant au pied de la voie. Elle ne dure pas longtemps, mais le rocher ruisselle. Le temps de traverser les vires, le ciel s’apaise. 1h plus tard, de retour sur le sentier, nous observons les guides et leurs clients déboucher sur l’arête sommitale… aurions nous plu finir la voie, ou les fissures auraient-elles été pleines d’eau ? On ne saura pas… Nous ne sommes de toute façon pas malheureux : 6c en poche, rassurés, au sec, nous nous gobergeons de myrtilles puis piquons une tête dans le magnifique lac de Champex, avant de déguster la dernière glace des vacances.