14-04-2023
Grandes Rousses - Arves
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Denis
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Il est 8h30, je rejoins Denis sur le parking de Décathlon de Bron. On file vers Bonnenuit, point de départ de notre petit séjour. Arrivés à destination, les spatules sont fixées sur le sac. C’est à pied que l’on rejoint les petits chalets. Il commence à neiger légèrement et nous sommes pris dans le jour blanc. Bien que je sois déjà venu l’année dernière, la consultation de la carte régulière est nécessaire. Denis est bien en canne, il avance à vive allure sur le long plat montant qui nous dépose au pied du raidillon amenant au refuge. Je salue chaleureusement Cannelle et Flo, les gardiens, avec qui je suis en contact depuis la Septentrionale et leur offre 1 kg de bonbons qui piquent selon leurs souhaits.

Flo : « ça été fait cette nuit par 3 skieurs, ils voulaient le lever du jour au sommet de l’Aiguille !  A priori c’est bon sur le tiers du haut et croute sur le reste de la ligne qui a pris le soleil. » Un bref debrief avec Denis ; il me rappelle qu’il a beaucoup skié dans différents pays, de la pente raide, mais pas sur des cotations. Cette année il a fait très peu de sorties mais que de la qualité niveau neige. Le camarade me souligne aussi qu’il a déjà volé quelques fois, je lui rappelle alors que si demain il prend un long courrier, ce sera probablement le dernier.

Il m’explique qu’avec sa prothèse de hanche il lui faut de la neige souple et a du mal à envoyer le virage côté gauche quand la pente est raide. Je lui réponds que ça tombe plutôt bien car la ligne de demain c’est que des virages à droite. Sauvé !

Après une brève analyse de tous ces paramètres, Denis c’est quasi 0 de marge mais prêt à tout pour revenir dans le game, comme à la belle époque. La journée du lendemain s’annonce bien.

Il est 5h45, le réveil sonne. Le petit déj vite avalé et à 6h30 on se met en route. Le regel est parfait, pendant que Denis descend dans le vallon skis aux pieds, c’est en crampons que je le rejoins. Une fois la rivière passée, je commence à tracer le cône. Le soleil se lève et rosit doucement les Aiguilles d’Arves, le panarama est somptueux. Il a neigé 15 bons cms sans vent, les conditions s’annoncent tout simplement exceptionnelles. Denis est refait, il sait qu’il skiera de la légère. Sur le papier, sa hanche semble sauvée. Au fur et à mesure que l’on s’élève dans le cône, le soleil enflamme de plus en plus les Aiguilles d’arves. La Septentrionale se dévoile, c’est grandiose. Une pensée à Maximus et à Mael qui j’en suis sûr, auraient aimé être avec nous aujourd’hui. Cela me donne des watts pour poursuivre la trace, ému, en repensant à notre run de l’année dernière. Arrivés au début du couloir proprement dit, on fait un dépôt de matos superflu sous la barre rocheuse. Et c’est skis et snowboard sur le sac que l’on poursuit notre ascension. J’attaque le couloir et m’enfonce jusqu’à la moitié du tibia mais le fond est en poudre tassée, je peux avancer efficacement. Arrivé au tiers du couloir, un bref coup d’œil en bas et je vois un skieur dans nos traces évoluant à une vitesse stratosphérique. On est tous le Killian Jornet de l’un et le Eric Moussambani d’un autre. Je poursuis l’ascension et arrive à la moitié du couloir lorsque déjà, Flo le gardien, est derrière moi. Il me propose de prendre le relais.

François : « Avec plaisir camarade ! »

Il imprime tout de suite un rythme plus propice à la rupture d’anévrisme qu’à la discussion. J’essaye de le suivre mais c’est trop rapide, je suis en Deux Chevaux et lui, en Ferrari. Impressionnant. Le soleil éclaire la partie centrale de l’itinéraire. La traversée au-dessus de la barre est splendide et permet de rejoindre la seconde partie de la ligne. On emprunte donc un superbe couloir suspendu au-dessus des rochers. L’ambiance est palpable, le soleil commence à taper de plus en plus fort. En sorti de ce couloir, le chemin forme une chicane via un ressaut de 50 degrés où les rochers affleurent, la ligne repasse à l’ombre plein nord. Ouf, cette sensation de fraicheur est salvatrice. Je jette des regards réguliers dans le rétro pour vérifier que Denis est toujours dans le coup. Il avance doucement mais régulièrement. Après les 20 derniers mètres à 50 degrés, je rejoins le gardien au collet. Denis est encore loin, j’hésite à dropper du sommet. Mais ne sachant pas ce que le camarade décidera de faire, je fais le choix de laisser la board au collet et file sans le sac avec juste le petit gully en direction de la cime avec Flo.

François : « Tu devrais faire des courses avec Benjamin Védrines ! »

Flo : «  Ouais c’est un pote ! On faisait du trail ensemble plus jeune mais là il va deux fois plus vite que moi !» 

François : « Ahhhhh…… Difficile d’imaginer ! »

Flo : « D’ailleurs, j’ai fait un bon temps refuge – Aiguille centrale d’arve – Refuge, et j’ai envie que quelqu’un de vraiment fort essaye de le battre ! J’ai demandé à Benjamin ! »

François : « Ah ouais… Et t’as mis combien de temps ? »

Flo : « 1h40 ! Mais j’ai couru et je connais le terrain par cœur»

François : « ………….. »

Négociant une petite arrête en mixte esthétique, exposée et facile on gagne la cime de l’Aiguille d’Argentière. La vue est splendide, les Aguilles d’Arves au premier plan, le Goléon, la Meije et j’en passe…

Flo : « Je vais skier du sommet, l’écharpe est en bonne condis »

François : « ça roule je te prends en photo du collet, je file, jvais retrouver Denis ! »

Je refais la petite arrête en sens inverse et retourne au collet. Denis attaque les 20 derniers mètres et le gardien s’élance du sommet et envoie un superbe virage dans l’écharpe Est parfaitement revenu, grandiose ! Il traverse, récupère la ligne et remonte pour descendre avec nous. Denis arrive au collet, au top ! Il a parfaitement géré l’effort ! Mes deux camarades me laissent la chance de dropper en premier, la neige est juste magique, grand moment !

Une fois le ressaut passé, je me mets à l’abri pour attendre mes deux camarades et éviter de me faire balayer par leurs sluff. Denis attaque, il s’en sort très bien ! Les virages s’enchainent avec facilité dans cette neige souple et le tout dans une ambiance suspendue grisante ! Il traverse ensuite assez haut au-dessus de la barre pour reprendre notre trace de montée. Avec Flo on ride jusqu’au dernier moment dans une neige de cinéma, sans oublier de traverser à notre tour juste au-dessus des rochers sous peine de prendre un billet Paris – Tokyo (un aller simple). Une fois la jonction effectuée, la dernière partie du couloir est encore tout poudre, on prend plaisir à tracer de belles courbes dans cette neige légère qui est restée froide. On retrouve nos traces des dernières conversions mais plus aucune trace de notre matériel, c’est la déconvenue.

Le sluff généré par notre passage les a ensevelis ! C’est là que tu te dis que la prochaine fois tu mettras un second arva avec le matos. J On perd 6 bonnes minutes à pelleter la zone et le matos ressort enfin ! Cool !!

Le gardien a déjà filé pour accueillir ses clients, et oui c’est le premier jour d’un weekend end chargé pour lui. Avec Denis, on refait notre sac puis la poudre se remet à voler dans le cône! Un petit coup de peaux et hop nous voilà assis sur la terrasse du refuge. Le camarade est affamé alors on s’envoie une traditionnelle omelette concoctée par Flo suivi d’une bonne mousse bien fraiche. On trinque tous les 3, heureux d’avoir réalisé cette descente dans des conditions topissimes. Il est midi, le camarade semble agréablement surpris de l’horaire. Nous avons tout notre temps, on profite et on refait le monde en contemplant le paysage, des étoiles encore pleins les yeux. Au bout d’une heure, on se décide enfin à quitter le refuge et de redescendre dans la vallée. On salut chaleureusement Flo et Canelle puis on se laisse glisser jusqu’aux chalets sur de la moquette. Et c’est skis et snowboard sur le sac que l’on rejoint le petit pont salvateur de Bonnenuit.

Celui qui marque, une fois encore, la fin d’une magnifique journée en montagne ; jusqu’à la prochaine !

Merci Denis.