13-07-2017
Ecrins
1700
3020
D

Directive de Jérôme la veille au soir : "Il faut être prêt à 5h00."

A 5h01 - je m'en tire pas mal - j'ai le sac au dos. Et nous partons par le sentier qui mène sous la grande Aiguille de la Bérarde, à la fraîche, à la frontale et d'un bon pas. On laisse le sentier conformément aux indications du topo pour tirer plein ouest. Quelques errances dans les couloirs successifs nous permettent de nous familiariser avec le caillou puisque des chamois nous en envoient gentiment des échantillons. On finit par recoller les morceaux en trouvant l'éboulis rouge puis le fameux névé et nous arrivons au pied de la voie vers 7h30, comme quoi le rythme soutenu du démarrage n'était pas une si mauvaise idée que ça.
Jérôme s'élance dans la première longueur, sans moufter. Quand vient mon tour, c'est plus laborieux, je mets un temps fou à protéger. D'autant plus rageant qu'à plusieurs reprises, je m'échine à trouver la bonne taille de coinceur pour, après l'avoir enfin posé, tomber nez à nez avec un piton sssSSS ! En revanche, le câblé posé d'une simple pression de l'index en me disant "celui-là, il ne tiendra jamais", Jérôme mettra à peu près un quart d'heure pour le retirer. A part ça, la voie est jolie, relativement variée même si les parties en dalle m'échoient systématiquement. Trois longueurs avant la sortie, je ne comprends rien au topo, ce qui me vaut de monter en bout de corde, désescalader, repartir vers un spit enfin repéré depuis plus haut, puis relais (après avoir fait la longueur au bon endroit, je ne comprends toujours rien au topo).
On finit par sortir sur l'arête vers 14h30, juste quand Phoebus met la face à l'ombre. Pas vraiment en avance pour une voie donnée en 4 ou 5 heures. C'est le moment de préciser que nous sommes en plein soleil depuis le lever du jour et que nous avons pu admirer les nappes de brume dans la vallée depuis le dessus. Il reste encore, selon le topo, environ 3 heures d'arête jusqu'au sommet et considérant le temps déjà explosé, Jérôme propose "c'est encore jouable, pas pour l'apéro mais d'arriver avant la nuit". Bref, on se lance sur le fil. Les protections se font rares, il faut gagner du temps et nous progressons en corde tendue. Nous tirons une longueur dans le passage en traversée puis nous ne tergiverserons plus vraiment.

Il est 18h34 on est au sommet. Chacun son cairn, ça fait une chouette photo croisée. La vue est magique ; la position centrale de la Bérarde dans le massif des Ecrins est mise en lumière par ce panorama intégral.
Petit SMS vers le camp de base pour dire "on vous tient au courant d'où on en est à la nuit tombée et si on découche" et nous attaquons la descente.
C'est bien simple, le descro nous promet 1000m dans du caillou pourri. Promesse tenue. Et que je te vacille, et que je te gigote et que je te glisse, roule, déglingue, dégringole ... opération vengeance incontrôlée sur les chamois.
Il disait aussi de RESTER sur l'arête NNE. On est bien resté sur l'arête, en suivant des cairns, mais au bout d'un moment, force est de constater qu'on n'est plus sur la NNE. En fait nous sommes sur un éperon orienté NE qui finit en eau de boudin (et c'est là que tu te dis que d'avoir une carte, c'est quand-même utile mais qu'en plus, la regarder de temps en temps, ça sert). En parlant d'eau, ça fait bientôt douze heures qu'on sèche comme des pruneaux sur notre rocher, épuisés les deux litrons chacun. Or dans la traversée à vue dans les éboulis tous plus instables que les autres, les grands comme les petits, que n'oyons-nous pas, ô joie ! la douce mélopée d'un ru qui zigouille la montagne de son clapotis aquatique. Nous ferons un festin de cette eau salvatrice.
Nous finissons par rejoindre la voie de descente normale et après encore de bonnes centaines de mètres de caillou foutraque, nous rejoignons le sentier. Bien. Propre. Marcher à la frontale me donne mal au coeur, je suis donc bien résolu à arriver avant la nuit. En plus j'ai repéré un raccourci le matin, direct vers les tentes.
Mission accomplie : nous débarquons au camping sur une tablée de GAULois digne des meilleures images finales d'Astérix.

NOTA : le topo en lien a manifestement été revu par rapport à la version que nous avions avec nous. Ca peut pas faire de mal.