08-09-2023
Ecrins
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Après une très belle semaine en Suisse fin août, je pensais faire une pause montagne jusqu’à fin septembre. C’est sans compter sur le fait que Minh a passé son été à ramasser des champignons, souffler dans des trombones et faire la sieste à l’ombre des bosquets. Il se dit que, quand même, c’est dommage d’avoir tant de matos dans le couloir et de ne pas s’en servir. Il cherche donc un comparse pour aller grimper au Soreiller avant les frimas. 

Je ne suis pas dispo, puis si, puis non, et puis si, un peu en dernière minute. Cela tombe bien, nous avons tous les deux envie depuis longtemps de faire deux voies classiques du secteur : Le Trésor de Rackham le Rouget à la tête du Rouget, et Danse avec le Pilier à l’aiguille orientale du Soreiller. 

Accord trouvé jeudi soir, départ vendredi en tout début d’après-midi. Le refuge étant empli par les participants au Grand Parcours du Caf, nous montons avec des sacs bien chargés et arrivons sur mon emplacement de bivouac favori dans ce vallon juste à temps pour nous installer avant le coucher du soleil. Diner rapide, et dodo. 

Le lendemain, départ à 6h pour la face sud de la tête du Rouget. Il n’y a plus de neige, nous sommes à la brêche en à peine plus d’une heure. Cela se gâte rapidement ensuite : rappel coincé… Je remonte presque jusqu’en haut dans un couloir sableux improtégeable pour trouver la corde enroulée d’une façon maléfique autour d’un gros bloc. Je suis 3 mètres sous le relais : autant aller y remettre la corde. 5mn plus tard, je suis à nouveau en bas. Je tire la corde. Ca résiste. Je tire. Ca résiste. Je jure. Je tire. Ca vient. Avis à des successeurs éventuels : ce bloc coinceur est gros, mais c’est un trouillard ; il suffit de monter un peu le ton pour qu’il cède. 

Nous trouvons ensuite rapidement la voie, et Minh se lance dans la première longueur bravement malgré le froid du petit matin, un équipement peu visible, et un rocher annoncé moyen. Il se tire bravement de ce piège et je le rejoins rapidement - le rocher qui bouge, ça fait moins peur en second ! La bonne surprise, c’est que la voie a manifestement été rééquipée tout récemment : nous voyons encore la poussière de forage sous les points neufs ! 

Mais vient l’heure de vérité : c’est à moi de me farcir la longueur dure, annoncée 6c ! Je pars peu serein. Ca enchaîne au début, avec une bonne fissure sous un toit qui m’oblige à me tordre de façon malcommode, mais ce n’est pas si dur. Je me rappelle que le topo indique que la difficulté est en fin de longueur. Je grimpe à deux à l’heure pour m’économiser, craignant le pire pour la fin… J’appréhende. Je grimpe. J’appréhende. Je grimpe. J’appréhende. J’ajoute un coinceur pour protéger un pas de sortie de toit qui m’inquiète (alors que le point est un mètre en dessous). J’ai du tirage. J’appréhende encore plus. Je me dis que je vais bientôt manquer de dégaines. Je transpire des doigts. J’arrive sur des petites réglettes. Je me dis, ouf, ça je sais faire, dommage que je sue autant des doigts ! Je me concentre pour bien me placer, ça me fait penser à autre chose et ça me rassure. Je croise les mains. Je décroise. Tiens, un relais ! en fait c’est fini… Je me suis bien mis la pression pour rien ! Minh me suis sans histoire. 

La longueur suivante est censée est plus facile. Seulement, elle commence par 5-6 mètres de traversée, ce n’est jamais agréable. Minh se met la pression exactement comme moi dans la précédente ! Nous ne surpassons nos appréhensions qu’à partir de L4. Minh surmonte ensuite magistralement L7, pas donnée du tout et très longue malgré des pas de toute beauté sur un pilier couché - je tire au clou en second, pressé de sortir mes pieds douloureux de mes chaussons. L8 est une dernière source d’inquiétude : quand je pars du relai, Minh me dit gentiment que les commentaires C2C font état de points tous les 10 mètres dans des cannelures aux prises peu franches… Merci pour ces encouragements ! Heureusement, cette longueur aussi a été rééquipée, et je peux profiter moi aussi de superbe mouvement dans des cannelures rondes en effet, mais faciles (je mets même un talon, à 3300m d’altitude c’est rare !). 

Nous arrivons seuls au sommet à temps pour déjeuner. Le ciel est limpide. 

Après une brève discussion, Minh me convainc de descendre par l’arête N et la voie normale historique plutôt que par les rappels de la voie des Plaques. C’est intéressant en terme de recherche d’itinéraire et de manips (plusieurs moulinages/desescalade), mais pas forcément très intéressant en terme d’horaire. Nous arrivons en bas en fin d’aprèm, 15mn trop tard : le ruisseau qui fait office de salle de bain est à l’ombre d’un méchant nuage ! Pas de quoi gâcher la journée : la douche est plus rapide, et nous allons ensuite prendre l’apéro au refuge pour fêter le retour à la montagne de Minh et cette superbe journée.