31-10-2017
Vercors
900
1190
2086
PD
1j

Le vent l’emportera (la corde, la faim de David, mes bouts de doigts)

Samedi matin- Rendez-vous Place Ronde pour un départ direction le Mont Aiguille avec une équipée de 7 barbouzes : David, Luc, Tatiana, Barbara, Gilles, Paul et moi-même. Le départ à 9h50 de Lyon annonce la couleur, on débute en mode pépère, le soleil est là, on est en t-shirt dans les voitures.

Arrivés au parking de la renardière derrière Chichiliane, petit village caché au pied du Mont Aiguille, les picnics sortent des sacs, ça sera toujours ça en moins à porter car avec le bivouac hivernal qui nous attend en haut chacun s’est équipé comme pour une mission de survie en terres arctiques.
La montée d’une heure pour arriver au pied de la voie normale se fait à travers de magnifiques hêtraies, les troncs blancs ressortent du sol recouvert des feuilles orangées, brulées par leur propre décomposition. Le Mont Aiguille pointe le bout de sa proue au détour de certains lacets, la paroi est verticale, immaculée imposante.
Au pied de la voie, on remarque une première cordée qui vient de s’engager, Luc Et David regardent le topo, la paroi, le topo, la paroi…bon on y va on verra bien. On s’équipe à l’ombre de la paroi, dans un froid glacial qui n’est qu’un bref aperçu du combat que nous allons mener face au vent pendant le week end.
La voie normale, de niveau 3+ est, comme le dit Tatiana après coup, pas si patiné que ça ! Enfin quand même un peu ! La difficulté n’étant que peu présente, on profite des méandres des failles de la paroi dans lesquelles on s’engouffre avec note pote le vent qui pour le moment chantonne doucement comme les sirènes qui nous bercent avant de nous croquer tout cru ! Les bouquetins s’amusent à nous envoyer des cailloux pendant que les montée, traversée, montée, traversée s’enchaînent avec même parfois des câbles que les purs n’oseront toucher de peur de se brûler les patounes.
Une cordée de trois jeunes devant nous ralentit bien, c’est l’occasion de voir la tête de David faisant la moue, de vérifier l’utilité du casque en se prenant des caillasses grosses comme mes deux poings s’arrêter net sur mon casque (c’est le camp n°11 d’ailleurs pour info). On sort finalement en haut avec un peu plus de deux heures de montée, on s’est écarté du timing mais on n’est pas les coupables. Il est 16h30, nous regardons les cordées arrivées au sommet qui s’apprêtent à descendre et on se dit que un le vent s’est bien levé et qu’il est désormais glacial et deux, ils vont finir la descente à la frontale. Bon chance comme on dit, nous on file au sommet nord pour immortaliser cette première pour tout le monde puis on file encore plus vite s’habiller chaudement pour un diner aux moufles vite envoyé avant de se cacher dans nos duvets en espérant que ça suffise pour nous tenir chaud ! Au-delà du froid qui nous mord, la vue est magnifique, mer de nuage au sud, clarté au nord avec les Alpes qui se déploient sous le soleil couchant.
La nuit fut claire et fraiche mais personne n’a eu froid, les bouquetins broutent tranquillou à quelques pas de notre bivouac à la belle étoile alors que chacun se réveillent d’une nuit pas très reposante mais une nuit de 12h avec en bonus l’heure de 3h comptant double ! Nous on est là pour scorer un peu pas pour acheter du terrain !
Petit dej avalé, on avale les premiers mètres de descente en désescalade et en descente de petits éboulis pour atteindre le premier relais. On comptait utiliser le deuxième relais en parallèle mais le vent rend son accès assez dangereux, tant pis on n’est pas pressé il n’y a que deux relais à faire malgré le fait que je ne sois pas autonome en rappel les sachants ne manquent pas. On arrive ensuite au deuxième relais qui lui se trouve en pleine face ouest, vous l’avez bien compris, ombre=froid + vent à décorner les bœufs= maxi froid ! David ayant emmené des talkies-walkies en prend un et en laisse un au relais avant de partir pour ce deuxième rappel plus long et sans visibilité car un départ un peu bombé qui s’enfonce dans une faille…puis plus rien…corde tendue..vent…la communication est quasi impossible car un le vent ne permet pas de communiquer normalement et les talkies sont pratiquement HS à cause du froid. Bref on attend Luc qui ferme la marche pour qu’il descende voir ce qu’il se passe en bas. Il descend tel le cowboy avec une corde de chaque côté pour éviter de les lancer tellement le vent est violent. Les cordes s’assouplissent finalement, les deux sont donc à priori arrivés à bon port. On me dit de partir sur la corde de David, Paul descendra sur la deuxième, celle de Luc.
Le rappel est plein gaz, plein vent, au bout d’un moment je commence à voir David et Luc en bas tout au fond de la faille qui gesticulent. Je pense qu’il s’agit d’arrêter la descente car les cordent se croisent un peu plus haut et se frottent. Puis je suis du regard ma corde côté aval et je la voie qui part totalement à l’horizontal et que bien que le vent y soit pour quelque chose, je sens qu’il y a une certaine tension. En fait la corde est bien coincée, tout comme moi finalement à 20m du sol avec une expérience des manips de cordes en rappel digne de ma connaissance en règle de criquet…c’est-à-dire quasi nulle.
En fait, David venait d’être tiré de cette même situation par Luc quelques instants au paravent mais la communication étant impossible entre le haut et le bas, personne ne savait en haut que cette corde devait être condamnée.
Paul qui entamait juste sa descente remonte au relais et Tatiana prend sa place pour une mission de sauvetage en faille ventée. Moi confiant sur le savoir-faire de ces encadrants que je ne connais pas plus que ça me permet de garder mon calme malgré le vent qui congèle très vite mes bouts de doigts rendant la moindre manipulation de corde extrêmement délicate et difficile. Tatiana arrive à mes côtés après 15 bonnes minutes d’attente. Puis vient le moment de dialogue (de sourd) avec David et Luc qui donnent les consignes. On bataillera bien 20 minutes avec Tatiana pour qu’enfin je me transfère sur sa corde de rappel, moment marqué par des gestuelles intimes et très artistiques, où le gainage et la volonté étaient fortement demandés.
On arrive en bas perclus de fatigue avec Tatiana mais sain et sauf et heureux de retrouver la terre ferme. La corde finira par être coupée par Luc malgré une dernière tentative de grimpe pour aller la chercher. David, que la faim commence à tenailler, entame sa mue en ogre mort de faim, il est grand temps de redescendre vers la civilisation avant qu’il ne soit trop tard.
Quelques pas de désescalade et la voie est terminée. Une descente qui devait durer 2h s’est transformée en descente de 4h. Le tableau ne serait pas complet sans parler de Tatiana qui s’abime la cheville lors de la descente en forêt.
On finira cette belle aventure au Buffalo grill de Grenoble, ouf, ils ont encore de la viande et des patates.

Bilan du week end :
- Le Mont Aiguille c’est bôoooo
- Là-haut c’est encore plus bôoooo
- Le vent il est méchant
- A quand la prochaine sortie !