14-07-2023
Mont Blanc
PD
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Alors que j’avais en tête une envie d’Ecrins, de beauté brute et de belles bambées bavantes en bivouac, Claire, par mon contact du week-end interposé, PM, propose un séjour à Disneyland pour le 14 juillet. Mickey n’a qu’à bien se tenir, nous voici.

Un petit brief le jeudi soir nous réunit, Claire, François, Pierre-Marie et moi-même, autour d’un jus de fruits, plongeant le patron du bar dans le plus grand désarroi en cette veille de jour férié. Nous abordons alors les conditions, et les deux points d’attention de la course envisagée : les séracs du Tacul, qui ont ces derniers jours fait montre d’une activité certaine, ou d’une certaine activité, selon les points de vue, et le col du Maudit, dont le passage se verrait facilité par un second piolet tekenike.

Une fois n’est pas coutume, la grasse mat’ est permise, et nous rejoignons Cham pour le milieu d’aprem, où l’une des contacts de PM nous a mis de côté quatre billets pour la benne de 15h30. Traditionnel bain de touristes en short à 3800, pour gagner le refuge des Cosmiques rempli de gens à l’allure plus sérieuse. Un petit tour sur la terrasse, équipé des jumelles du gardien, ne contribue pas à me convaincre que l’itinéraire du lendemain est dénué de risque : un monstros sérac surplombe, menaçant, la trace de départ du Tacul, et il a déjà lâché quelques Twingos les jours précédents. François nous rejoint à l’extérieur et nous annonce son forfait pour le lendemain, ses douleurs aux pieds le lançant à nouveau, et ne souhaitant pas mettre en péril notre course du lendemain.

L’heure du coucher est pimentée par une italienne d’âge avancé qui refuse de laisser ouverte la fenêtre de notre dortoir de 30 personnes, et qui se lie très vite d’amitié avec PM, sur une base de « Va Fan Culo » qui, comme chacun sait, est vœu de prospérité et d’amour chez nos camarades transfrontaliers. Au réveil de 1h, PM, le sommeil troublé par sa néréide milanaise, se sent au plus mal, et veut continuer à rêver d’aventures avec une sexagénaire à l’accent chantant. Claire et moi nous lançons alors seuls pour cette course.

Enfin seuls, en tant que Gaulois. Parce qu’en tant que bipèdes, c’est une ribambelle de ceux-ci qui s’élance, loupiote au front, sur la face blanche du Tacul pour l’instant plongée dans la nuit. Nous prenons plaisir à remonter une à une les cordées du refuge, jusqu’à ne voir devant nous que le peloton parti une demi-heure plus tôt du bivouac au col du Midi. La montée à l’épaule du Tacul est ponctuée de quelques crevasses, dont la solidité des ponts de neige nous permet des franchissements sereins. Arrivés au col Maudit, nous nous abritons derrière un mur de bivouac des rafales qui forcissent pour sortir une couche supplémentaire et le second piolet. La météo a prévu la veille du vent jusqu’à 80km/h, et je n’exclus pas la possibilité d’un but éolien. La progression le long de la face du Maudit démarre, et le faisceau de ma frontale balaie des pentes dont on devine à peine l’exposition dans l’obscurité. Tant mieux. Sous le col, c'est neige couic, et avec deux piolets et encordés à 3m ça passe vite et bien.

Passé le col, de nouvelles rafales nous accueillent, mais la forme est bonne et c’est plein d’un regain d’énergie, auquel le lever du jour n’est pas étranger, que nous traversons le col de la Brenva pour aller dérouiller nos quadri dans le mur de la Côte. Passé ce point, l’altitude se fait alors sentir et le rythme ralentit. Jamais les 300 derniers mètres d’une course ne m’auront parus aussi fastidieux. Un mal d’estomac, que je ne saurais attribuer à un MAM mais plutôt au 17è rab de blanquette, qui a peut-être eu raison du camarade PM, m’étreint le ventre. Quand enfin, ça y est, le sommet, peu avant 8h. Après avoir loupé plusieurs années consécutives le créneau en ski, voilà que j’y parviens en estival, sans pourtant l’avoir jamais envisagé ainsi.

La vue a beau être splendide, y compris sur la Kuffner qui rappelle à Claire de beaux souvenirs d’encadrement, les rafales forcissent, et nous descendons prestement pour regagner le col du Maudit. Un bouchon s’y est formé, fait de cordées descendant au relais pour tirer le rappel. L'attente est agrémentée par la perturbation, qui a décidé d'arriver en avance et nous projette le grésil de la veille en pleine face grâce à des rafales à plus de 80km/h. Derrière, le toit de l’Europe s’est bâché en mode nuages noirs, version Mordor.

Deux cordées italiennes nous font comprendre que ni la patience, ni la politesse ne sont dans leurs valeurs, piétinent nos cordes, et dépassent tout le monde, pour finalement déraper, se vautrer, et tirer des rappels douteux. Bellísimo. Nous préférons jouer la camaraderie et mettons en commun nos cordes avec 2 camarades du 7e BCA pour rejoindre la trace sous la rimaye d’un rapide rappel de 50m.

Les nuages continuent à grignoter les sommets que nous venons de quitter, aussi nous hâtons le pas jusqu'à l'épaule du Tacul, où le talkie me permet d'entendre la douce voix de nos amis restés aux Cosmiques, qui m'annoncent qu'ils vont prendre un bon plat chaud pendant qu’on se les caille. Ils pousseront cependant la camaraderie à nous récupérer pour remonter l’arête menant à la benne là où sans eux, épuisés comme jamais, nous serions probablement encore en train de reprendre nos forces.

Nous terminons le week-end par une croûte à Argentière le dimanche, précédée d’un peu de grimpe en grosses aux Gaillands, et suivie d’une glace de chez Richard.

« La Dolce Vita … », nous dit PM, rêveur…