11-01-2024
Belledonne
1900
D
9,5
Totor, Mael, Yannouch, Flo
2

Il trottait dans la tête depuis quelques temps mais comme souvent pour ce genre de projet, c’est en dernière minute que ça s’est décidé. Néanmoins, il arrive tôt en saison. L’itinéraire envisagé couple un dénivelé important avec une descente technique. De plus, une trace est surement à prévoir. Un engagement certain, peu de chance de réussir mais qu’attendons-nous pour tenter l’aventure ??? L’équipe se constitue naturellement avec Mael le freerider, Totor le fondeur, Yanouch l’Aspi guide, Juju le jeune talentueux et Flo l’Espagnol.

8h à la Martinette, le jour se lève à peine, la team est synchro au petit matin.

Au parking, Juju lance : « J’ai pris ma casquette d’Arsenal pour bétonner ! » Avec ce genre d’exclamation, cela annonce une journée qui part sur des bases sérieuses. Mais cela ne l’empêche pas pour autant d’évaluer les chances de réussite du projet à 20 %, pour Yannouch c’est proche de 0 et pour moi c’est plus fifty fifty. Quant à Flo, Mael et Totor, ils ne se prononcent pas vraiment mais sont prêts à en découdre.

Après un petit chek Arva des familles, la journée débute. Juju fixe sa board sur le sac dès le parking. Il aime, de temps en temps, les bonnes missions. Après 15 minutes de peaux dans la forêt ; Yannouch est déjà en teeshirt, Totor allonge le pas pour tester sa VMA, Mael se dit que c’est peut-être sa dernière sortie, Juju mène un rythme d’enfer avec ses raquettes et Flo muni de sa goretex rose pétante chante avec un petit accent du sud. Autant vous dire sans détour que l’équipe est là et bien là.

Le chemin dans la forêt se passe tranquillement, la neige y est douce mais en trop faible quantité pour espérer rider la partie basse. Une fois sortis des bois, nos yeux sont rivés sur les lignes impressionnantes des Mouchillons. De fines entailles dans la falaise forment des couloirs de toute beauté. Les conditions sont au top dans cette combe madame mais rapidement la team bifurque à gauche en direction du col surplombant Arguille. Avant d’attaquer la bosse, on croise deux jeunes skieurs qui ont le même objectif que nous. Cependant les deux gaziers veulent atteindre le sommet par derrière. Ils nous précisent : « J’ai des potes qui sont déjà montés dedans, c’était un enfer, ils ont brassé de la neige jusqu’à la taille. Bon courage les gars ! » Leur mise en garde ne nous fait pas changer de braquer une seule seconde. Tout le monde est unanime ; on reste sur notre itinéraire, histoire de faire les choses, comme d’hab, à l’ancienne.

La course reprend.

La neige y est ici très soufflée avec des parties glacées et certains arment leurs lattes de lames acérées. Juju ne fait pas dans le détail et grimpe dré dans le pentu avec sa paire de raquette achetées il y a 20 ans en promo chez Leadl. Il a même l’audace de nous lancer : « Ba ouais les gars vous êtes mal équipés ! » Un style définitivement à l’ancienne pour notre camarade. Notre itinéraire nous fait ensuite bifurquer encore à gauche dans des pentes Sud Est. La température monte de 10 degrés en quelques secondes, nous sommes tous en T-shirt dans ce four. Yannouch prend la trace et taille de belles conversions dans du raide jusqu’à un certain point où on passe à pied. La chaleur use, on se demande si on est encore dans le timing mais on poursuit. Arrivés au col surplombant Arguille, le couloir se découvre enfin. Il est de toute beauté ; élancé, impressionnant, sans la moindre trace. Il n’y a pas de vent ici mais l’horaire est un poil tardif. Ça parle, certains expriment clairement leurs avis tandis que d’autres contemplent et rêvent.

Yannouch : « On sera à 17h là-haut les gars … »

Mael : « Je ne pensais pas me prendre un but horaire … »

L’espagnol : « Mais allez ! On va voir au pied du couloir et au pire on descend ! Sinon on descend direct et on remet un coup de peaux si c’est super bon ! »

Juju : « Si tout le monde était frais comme des gardons je ne dis pas mais l’horaire est avancé là… On peut se faire un petit pique-nique ici, il y a une super vue !! »

François : « Si on ne fait pas le sommet, je ne monte pas dans le cône personnellement et j’opte pour la pause sandwich ici ! »

Totor : « Au pire allez-y et je vous attends là moi ! »

Au final, comme souvent, on a brassé de l’air pour pas grand-chose car tout le monde descend le petit bombé raide qui nous pose dans le cône. Yannouch paye sa trace de guide, une autre course commence.

Il fait chaud, l’ambiance est dingue ici !! Après un certain nombre de conversions, tout le monde passe en mode piéton. Sauf Flo, qui continue à fredonner avec l’accent du sud, lattes aux pieds dans le cône de plus en plus raide.

Arrivés au début du couloir proprement dit, Yannouch paye sa trace, une fois encore, mais cette fois à pied. Il est suivi de près par Juju qui a fait un dépôt de raquettes en haut du cône, à l’ancienne. Au premier tiers du couloir, la neige est profonde, ça brasse sévère et notre traçosaure s’emploie ! Juju lui fait un relais et attaque de manière dynamique. Le couloir est de toute beauté, la pente s’accentue au même rythme que la neige durcie. La trace semble moins éprouvante. Totor râle un peu derrière moi, arrivé en haut du premier tiers de la ligne il décide d’arrêter les frais ici. Il semble vraiment cuit, je ne l’encourage pas à poursuivre. Soudain, des assiettes de neige commencent à dévaler la pente et nous percuter ! Ce sont nos deux skieurs qui ont bouclé et qui arrivent à notre hauteur en nous caillassant un peu de neige compacte.

François : « Alors c’est comment ? »

Les skieurs : « Neige moyenne, le haut pas bon, neige bien dure ! » Cela refroidit certains d’entre nous, Mael et Flo décident d’en rester là.

Yannouch reprend la trace, suivi de Juju. Je mets un coup d’accélérateur cette fois pour tenter de recoller les deux oiseaux. Je continue à grimper et Juju me lance : « Neige dure là ! Yannouch tape fort des pieds, et c’est plus raide qu’au Tricot !! » J’encourage Mael et Flo à pas lâcher l’affaire et continuer.

Le piolet est de sorti et après un bref regard dans le rétro, je vois les deux camarades qui se sont relancés dans la course. Ça donne de la force !

Yannouch et Juju disparaissent de mon champ de vision, ils viennent juste de sortir de la ligne. Je les rejoins au sommet. Une grande accolade avec nos deux traceurs du jour ! La vue là-haut est somptueuse. Il est 15h.

Les aiguilles d’Arves, le Mont Blanc, la Meije et j’en passe … Mael et Flo nous rejoignent. C’est là que le bon Juju sort le fameux paquet de crocos, signe d’une grande journée en montagne ! 

On ne s’en prive pas, une bonne piqure de glucose injectée directe dans les veines, rien de tel avant de droper à Arguille !

Après quelques minutes de contemplation, chacun ajuste son masque et se remet doucement dans sa bulle. L’heure est déjà bien avancée, il est temps de droper.

Au sommet du couloir, tout le monde est concentré. Yannouch ouvre le bal, un premier virage puis le 50 degré est là, plutôt béton, Yannouch sort le piolet. Il dérape doucement mais surement. Juju le suit, il dérape sur 5, 6 mètres et il envoie un premier virage puis un second en nous faisant une démonstration d’engagement et de technique ! Pour nous autres, ce sera dérapage sur les 40 premiers mètres piolet en main. La pente s’élargit ensuite mais est toujours bien penchée. La surface de la neige s’assouplit légèrement en surface mais reste très ferme de manière générale. Le virage doit être précis, tout le monde engage cette fois. Et ça se détend au fur et à mesure de la descente. Des photos viennent ponctuer par ci par là ce run de folie !

Plus de doute pour tout le monde, on est en train de rider Arguille ! Totor n’est plus là, il nous attend en bas du couloir. Flo se remet à chanter mais après avoir laisser voler sa paire de peaux, il en perd un bâton ! Le cône est en top condition, chacun s’en donne à cœur joie en arrondissant au mieux les virages au plus grand plaisir de Yannouch ! La team rejoint Totor qui est posée tranquille au soleil. L’équipe ride ensuite des pentes douces dans de la neige de cinéma cette fois puis, ça drope dans la gorge. La neige est lisse et plutôt souple ici ! L’ambiance est dingue dedans, on s’enfonce dans un boyau de roche avec la lumière du soleil qui diminue peu à peu, magique ! Chacun avale cette faille de la plus belle des manières pour finir à tailler des grandes courbes dans de la poudre toute légère !

Le chemin de la martinette est retrouvée, c’est parti pour le petit border agrémenté de quelques remontées ! La fin est plus acrobatique et on n’échappe pas à quelques sections à pattes. Et c’est sous le soleil couchant que nous arrivons au parking que l’on avait quitté 9 heures et 25 minutes plus tôt.

Tout le monde est refait de cette belle et longue journée rondement bien menée, qui n’était pas gagné d’avance.

L’équipe est unanime ; cette descente fait partie des plus belles lignes de pente raide sur un sommet majeur en Belledonne.

Juju nous dit : « Je vais planer pendant quelques semaines après ça… Je voyais ce couloir des 7 laux depuis tout gamin, maintenant c’est fait ! » Sur ces bonnes paroles chacun se claque une bonne bise fraternelle et repart sous le soleil couchant, des étoiles encore pleins les yeux.

 Un grand merci les camarades !!!