16-03-2023
Cerces - Thabor - Mont Cenis
2100
1700
3228
long
1

Après une étape initiale covoit pour Aurélien, c’est la voiture qui nous emmène jusqu’à notre point de départ, le plan mobilité douce étant annihilé par l’absence de trains et d’une grande partie des bus. Ce n’était pas faute d’essayer des plans B, C, Y, Ɣ ; un ‘ment donné, l’obstination relève de la connerie.

Il est 9h, nous voilà donc dans les Cerces, par la porte d’entrée du pont de l’Alpe du Lauzet, pour une belle et grande boucle sur 2 jours. Le point culminant du jour sera le Grand Galibier W, qui domine tout le massif et fait face aux Ecrins, comme le plus grand des CP défierait les CM1.

J’ai connu quelques montées peu efficaces, mais il faut reconnaitre que rarement 1500m théoriques ne m’ont paru aussi longs. Entre les plats, les petites redescentes, et la situation nivologique qui nous fait louvoyer au possible, soyons clairs, le sommet se mérite. Aurélien y va même de sa petite sieste avant le sommet, c’est dire s’il nous aura occupé !

En parlant de nivo, nous ne voyons pas trace des caisses de neige dont il est fait état un peu partout dans les nouvelles… Le vent semble avoir chassé toute matière pulvérulente de la surface du massif, si bien que nous finirons par nous demander où elle a bien pu passer. Peut-être dans le splendide couloir de la Clapière, auquel nous jetons un œil juste en dessous du sommet, et qui a l’air bien chargé ?

S’il est certain que je n’y aurais pas mis les spatules ce jour-là, notre descente à nous se déroule fort paisiblement, et même le versant N du col de la Ponsonnière, le crux nivo du jour, se descend sans vraiment claquer des fesses. Plutôt alerte après mon expérience au Mont d’Ambin, qui avait donné raison à la tendance nivo globale face aux nombreux indices de terrain rassurants, j’envoie Aurélien déminer. Il rentre dans la pente vierge sans sourciller, puis me rassure définitivement en lançant un pain de C4 (« for self defense only » qu’il me dit) dans la vague combe, qui ne bronche pas.

La neige est plus que correcte dans l’ensemble, mais on est loin du bain de poudreuse, et surtout le léger voile installé depuis la mi-journée nous offre un tout aussi léger jour blanc dont on se serait tout de même bien passé. Pas grave, la vie est belle, nous sommes seuls, et le cadre est somptueux, surtout lorsque les aiguilles d’Arves réapparaissent en fond de vallon, le couloir du Miaou en ligne de mire.

Arrivés aux Mottets en poussant un peu sur les bâtons, nous prenons notre goûter puis tournons le dos à la Clapière et au Miaou, fuyant vers des pentes plus douces. Aurélien profite des 400m de remontée vers le col des Rochilles pour faire son fractionné, tandis que j’admire la face SW du pic de l’Aigle, dont la raideur me laisse espérer une absence de vipères dans les voies. Nous tentons d’ouvrir le refuge du Camp des Rochilles sans succès.

Bien contents d’avoir écarté cette option qui figurait dans notre plan initial, nous longeons les lacs des Rochilles enneigés dans une lumière qui sent déjà la fin de journée, avant de basculer derrière le Seuil pour descendre le long de la Clarée jusqu’au refuge des Drayères.

Là, les deux charmantes aide-gardiennes nous reçoivent avec beaucoup de sympathie (Aurélien, tu me confirmeras que Claire ne lit pas les CR), et nous orientent même vers une chambre privée (des guides ?) alors que tous les dortoirs sont remplis. Malgré ces points qui me réconcilient quelque peu avec les refuges, l’ambiance bruyante et citadine du réfectoire durant la soirée, qui je le sais peut plaire à bon nombre, tranche en tout cas radicalement avec cette journée incroyable de solitude et de calme.

A défaut d’humains, la montagne ne nous aura offert ce jour comme seule compagnie, qu’un couple de Gypaètes Barbus, nous gratifiant à plusieurs reprises de leurs couleurs chaudes dans ces paysages bleus et blancs. Je dois admettre qu’on n’en demandait pas plus.