02-07-2023
Ecrins
3943
PD
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Objectif Pelvoux. Le vent est annoncé Ouest à plus de 20 noeuds à 4000m par le diagramme aérologique mais annoncé faible au sommet du Pelvoux... nous sommes perplexes. Quel modèle météo aura raison ? Les prévisions des jours suivants sont de toutes façons pires, alors autant aller confronter les modèles avec la réalité dès maintenant.

La montée au refuge se fait en vitesse pour ne pas louper le diner. Le réveil forfaitaire à 2h45 du gardien ne nous fait pas du bien au cerveau, alors on le débranche (le cerveau, pas le réveil). Quand il se reconnecte, vers 7h30, on est déjà arrivé au sommet. C'est chouette mais cela signe surtout pour nous le début des difficultés. Là-haut, sur le glacier en forme de selle de cheval, le vent n'a aucune orientation claire et son intensité est aussi très variable. Nous quadrillons le secteur. Qui est sous le vent de qui ? On se questionne. Olivier ne se donne même pas la peine de cocher la pointe Puiseux tant il est happé par ces considérations aérologiques ; j'irai uniquement pour en avoir le coeur net : oui, le vent météo est bien Ouest ! Retour donc sur la bosse qui fait face à l'ouest au dessus du couloir. Maintenant c'est très clair : plus de 40 km/h entrecoupé de rares "molles" de quelques secondes, le vent a eu le temps de bien s'établir. Notre projet de décoller du Pelvoux semble compris. Selon ma théorie, pourtant, cela devrait passer. Soit on avance dans une molle, soit on on se fait remonter par effet dynamique, ce qui nous laisse la possibilité de s'échapper en haut par le sud. On tombe assez vite d'accord pour tester la théorie une autre fois ! Premier but. On aura plus de chances vers 3000m, toujours d'après le diagramme.

On avale les 800m de descente qui nous ramènent péniblement à la bosse de sialouze par les rochers rouges. Là, il y a un super déco qu'on a repéré de loin, bien plat, sur son petit promontoire, et dans la neige. Mais le vent n'est pas là. Hésitations. Brainstorming. Doutes. De nombreuses options sont analysées, toutes sont abandonnées. 2ème but dans la même course ! On repart penauds dans la descente vers le refuge qu'on voit au loin. Mais une minute seulement en contrebas, un névé ouvert sur la vallée et coiffé d'une légère brise nous met immédiatement d'accord. Dépliage. On plante la voile dans la neige avec des tees de golf bricolés pour l'occasion, comme on a vu sur internet. Mais un coup de vent plus tard, les 2 voiles sont dans les rochers à côté du névé. On tire sur les suspentes pour les mettre en bouchon. Craque. On dirait que ces bêtes-là n'aiment pas le granit. Nous faisons comme si on n'avait rien entendu, c'est mieux pour le moral...

On remonte sans crampons le névé à 40° pour la 10ème fois et, à nouveau, on tente d'étaler la voile. Avec la doudoune, on crève de chaud sur cette neige plein sud qui réverbère le soleil déjà bien énervé et on en a plein les jambes à force de zipper sur cette patinoire inclinée. On a fait une croix sur l'idée de décoller simultanément depuis un petit moment déjà. Cela semble trop improbable au vu des conditions capricieuses. Alors qu'Olivier commence sérieusement à penser replier, une soudaine rafale bien placée lui permet de lever sa voile ! Contrôle. Décollage. J'observe le style et me questionne : vais-je devoir redescendre en solo ? Mais la rafale ne semble pas faiblir alors plus d'hésitation, je lève les avants... contrôle... et je m'envole dans son sillage. Yes!!! C'est parti pour 1700m de descente ! Ambiance à couper le souffle ! Ca valait vraiment le voyage ! En hauteur, la masse d'air n'est pas parfaitement calme, mais cela s'arrange rapidement. On se balade à droite et à gauche, le long des falaises ou plein gaz au milieu de la vallée. On nargue le refuge 500m sous nos pieds, contents de ne pas avoir à y repasser. On essaye d'exploiter les maigres courants ascendants que l'on croise pour prolonger un peu le vol. Les 17 minutes qui nous séparent de l'attero sont suffisantes pour bien en profiter. Nous sommes pourtants déjà bien vite focalisés sur notre approche, à l'affût des signes qui pourraient nous indiquer la direction du vent. Les modèles indiquent Sud-Ouest mais qu'en est-il vraiment ? D'autant plus que l'atterro est pimenté par les tentes plantées au milieu du camping, les arbres trop hauts en bordure de terrain et les bulles d'air chaud qui nous remontent de 5 m sans préavis. On finit par se poser sans encombres, sans même emboutir la tente du CAF, le van de Günther ou le camion pizza de Flo. Quelques minutes plus tard, on est en terrasse, une bière à la main pour conclure l'aventure, trop contents ! Il faut dire qu'on est parti de loin !

Six mois plus tôt on avait à peine un stage initiation en poche. Mais les entrainements intensifs à faire des cratères à Quincié-en-Beaujolais (pour l'un de nous deux seulement) dans les conditions chimiques du printemps, les heures de gonflage au sol, les soirées à avaler les manuels de vol, à dévaliser youtube et pilotage-parapente.com, les journées à balayer les modèles météos et à glaner des conseils sur les décos auprès des vrais, la semaine à rempiler pour de nouveaux stages, semblent avoir un peu payé. Même si le déco du sommet reste sur notre liste des choses à faire, on est très très heureux de notre premier vol "alpi" !

PS : les tees sont attachés à la voile, on ne les abandonne pas sur place !

Vidéo : https://gopro.com/v/GBB18B7dP01kO