22-07-2023
Ecrins
D
1

A l’approche du week-end, nous évoquons avec Julien l’idée d’une course comportant peu de mixte, eût égard aux conditions évoluant défavorablement avec les chaleurs, plutôt grimpant mais pas trop, eût égard à mon aversion pour le 6 en grosses, en Oisans et en bivouac si possible, eût égard à une forme de misanthropie manifeste. Bien que fatigué des dernières courses, la montagne me rappelle, comme un aimant.

Lorsque qu’il me propose le pilier Nord de la pointe d’Amont, présent dans ma liste à faire dans le massif, il juge nécessaire de préciser « Allez mec, on craint dégun ». C’en est trop, j’ai la rage. Tu veux parler sudiste ? T’y es pas prêt minot.

La navette nous pose à l’entrée du vallon de la Selle en fin d’aprem, permettant de le remonter sans se faire ensuquer. Ça fait plaisir de le découvrir sous le cagnard de juillet, ne l’ayant visité que lorsqu’il fait bien frisquet. Le collègue, armé de sa vue perçante et protégé par son capeou, nous dégote un petit bivouac confort, on va pouvoir y ronquer en bonnes estrasses que nous sommes. Je parpelège avec vue sur le pilier, vé qu’il a l’air raide. Serons-nous à la hauteur ? Mystère et suspense.

Je dors malgré tout tarpin bien, tellement que c’est Julien qui doit me réveiller, maudits soient les yeux fermés. Le ciel étoilé nous regarde approcher dans le tas de cailloux, kafi d’araignées pas bien charmantes, que les glaciers du Plaret et du Diable, mourants, laissent lors de la fin de leur monde. Nous louvoyons entre les nombreux pavés sans crampons, c’est block party. Y’a dégun qui nous suit, on va être au calme aujourd’hui.

Je scrute le terrain et me charge d’attaquer les vires efficaces puis le premier ressaut en III+/IV. On alterne de longue entre des portions compactes et des zones fracturées qui donnent moins de doute en corde tendue. Les appuis sont facilités par le grain du rocher local trop dégaine. Le soleil sort enfin, alors que le vent annoncé n’est pas là, on se pastisse de crème et on mange un morceau avant d’enquiller.

Le second ressaut est plus filou et nous impose quatre longueurs. Julien passe le pas de V, je le suis, me prend une zipette et me cague un peu, marronne, et le rejoins au relais. Fatche de, j’aurais dû mettre les chaussons, à qui je fais encore faire un voyage organisé au fond de mon sac, quel vié putain. Petite leçon pour les sales gosses. On trouve un endroit où faire un break, je me trouve un petit berceau en granit, m’apprête à pioncer, mais pas le temps, il s’agit d’aller vite, doucement.

Le troisième et dernier ressaut est tranquille, suivi d’une vire commode et d’une traversée d’arête qui, si elle est aérienne, ne présente aucune difficulté, et nous dépose au sommet de la centrale du Soreiller. Bouger la tête nous permet d’apercevoir non loin l’occidentale, à mi-chemin entre la diagonale et la verticale du Soreiller, dans le prolongement de la transversale du Soreiller et sa jumelle la succursale. Du Soreiller pardi.

Une fois là-haut, on rejoint quelques pébrons qui prennent l’air. J’voulais dire, d’autres alpinistes. On les laisse prendre un peu d’avance, sachant qu’ils vont pénéquer dans la descente, en tapant un bon sieston par respect des traditions. La normale se descend en désescalade, hormis un rappel qu’on manque de tanquer comme des couillons, mais c’est sans compter sur le collègue qui nous tire d’affaire. Franchement, le J c’est le S.

Une fois en bas, à peine arrivé à la route, Juju emboucane un gars en van qui nous prend en stop jusqu’à Gières. Durant le trajet, esquiché contre la portière, je m’endors, cané de cette belle journée, pas bien pressé de quitter l’Oisans pour retrouver le boucan de la ville.

Merci fraté pour ce beau week-end, c’est ça la vie de rêve !

PS : Méfi cousin, seize sons de la planète Mars se sont glissés en scred dans le texte, sauras-tu les trouver ?