27-01-2024
Vanoise
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Jour 1 – Becca Motta

C’est bien avant potron-minet qu’Isa et Antoine me récupèrent à Bron, pour un trajet ponctué de nationales, non par velléités touristiques mais plutôt en raison de tracteurs aux péages, en direction de Champagny le Haut.

Objectif : immersion trois jours dans la vallée. Objectif revu à l’arrivée : immersion trois jours dans la vallée, en ubac. Les faces sud ressemblent à un étudiant un vendredi à 3h : bien sec et en train de dégueuler de tous les côtés.

   Nous remontons le GR forestier, qui suit une fine langue gelée jonchée de racines, soit un enfer à parcourir en peaux. Nous choisissons alors, déconfits, le portage. ‘Paraît cependant que ça va devenir à la mode. Au sortir du couvert forestier, vers 1900, nous pouvons rechausser, regagner le refuge des Gouilles, où un trio de cafistes fort sympathique a commencé à lancer une ptite flambée pour réchauffer les lieux, profitant du stock de 17 stères de bois. Le pique-nique englouti, nous laissons là nos affaires de la nuit, et remontons la combe NO sous l’épaule de la pointe de Méribel, suivant nos camarades dans leur trace parfaite, forte du plus grand nombre de conversion alors jamais effectué lors mes courses passées (je ne peux m’engager sur les courses futures). Les couteaux ne sont pas inutiles, le manteau étant de type compact. L’altitude se fait quant à elle un peu sentir, et les derniers mètres me semblent longs.

   Au sommet, le point de vue est beau mais la vue des faces sud sèches fin janvier ne fait pas plaisir. La descente est rendue sereine par la nivologie, et heureusement car les pentes ne doivent pas faire rigoler par risque 3 ou 4 (en risque 5 personne n’a témoigné). Nous profitons même d’un léger saupoudrage, probablement apporté par le vent, qui permet de se faire plaisir. Ce dernier est augmenté par mes nouvelles pompes, les anciennes étant à la rigidité ce que mon management actuel est au charisme. Au refuge, seul un autre couple et une bande de copains montés passer la nuit remplissent la salle à manger avec le trio de traceurs et nous. Une partie de Scrabble expédiée, nous nous relayons près du poêle pour sécher nos chaussettes, et palabrons avec le doyen, monté de Bozel, sur sa vision de la montagne, et ses inquiétudes sur l’engagement des plus jeunes. Sur cet échange touchant, je pars me coucher dans le dortoir qui s’apparente plus à un congélateur dans lequel matelas et couvertures auraient été stockés pour l’hiver.

Jour 2 – Grand Bec

   Nous quittons le refuge peu de temps après notre tiercé local et parcourons les Côtes Vertes jusqu’au petit col au-dessus de la Becquetta. Le glacier du Troquairou se dessine alors sous nos yeux, et je ne peux retenir un ‘La vache c’est raide’. Le collègue d’hier nous avait pourtant prévenus, pour avoir réalisé le sommet plus d’une paire de fois : les années passant, le glacier perdant de sa masse, les pentes ont tendance à se raidir. Dont acte.

   La montée s’engage alors, et chaque crissement de carre sur la neige béton s’accompagne d’une crispation de mes fesses. Antoine quant à lui, gambade devant, ne semblant avoir entendu parler de couteaux qu’en compagnie de fourchettes. Vient cependant un moment où nous prenons parti de mettre les crampons : je renais. Tout n’est alors que stabilité, tenue au sol et facilité de progression jusqu’au sommet. Ce dernier se mérite, et le panorama y est grandiose, mention spéciale pour la vue sur les Grands Couloirs, qui tirent un peu la gueule d’ailleurs.

   Nous mettons l’absence de vent à profit pour déjeuner avec vue, avant de redescendre vers le toboggan infernal, qui in fine passera plutôt bien, en dépit de la neige un peu changeante. Dans le ressaut principal, il était toutefois conseillé de ne pas trop louper un virage : en effet, aussi surprenant que ce fût-ce, il présentait la même raideur à la descente qu’à la montée, mais dans l’autre sens. Pensant ne pas passer le refuge, nous avions pris soin de faire profiter du sommet nos duvets, alors que, manquant de neige, le verrou sous 2700 nous contraignit à remonter et boucler. En revanche, sur une astuce glanée la veille, nous trouvons une traversée de la barre sous le refuge (alt 2150, NE), permettant de regagner les pistes de ski de fond moyennant un ski technique entre bosses et arbustes de la trouée forestière.

   L’accueil du refuge du bois, accessible à 50m du parking, est chaleureux : rempli de BD, de bibliothèque rose ou verte, de figurines de Tintin, il regorge de bibelots en tous genres, tantôt suspendus au plafond de sa salle de restauration sur demi-niveaux, tantôt entassés sur des étagères pleins à craquer. Nous partageons la tablée du soir avec une équipée UCPA venue des quatre coins de la France, dont l’approche de la consommation et de l’écologie ferait avaler de travers la raclette au menu à toute personne disposant d’une vision sensée du sujet. Prénommée Isabelle par exemple.

Jour 3 – Vers le col de la Grande Casse

   Au petit matin, Antoine ayant terminé son Spirou, nous quittons notre hébergement pour remonter le long des pistes de ski de fond, puis du fond de vallée, traversant boulettes de purges et purges de boulettes, issues des adrets dévastés. Parvenus au refuge de la Glière, et à la petite chapelle au-dessus, nous y laissons Isabelle, pour traverser le plan et remonter sur le flanc est de la moraine rive droite du glacier de l’Epéna. Si les séracs de ce dernier sont de toute beauté, son lit aval déserté permet de se faire une idée sur sa santé générale. Nous regagnons le point 2798, et, soucieux de respecter l’horaire convenu, décidons de faire demi-tour. Non pas sans avoir lorgné du côté de la face Nord de la Grande Casse, et observé les traces de loup, qui traversait probablement depuis Tignes. Traversée similaire à l’aller, ponctuée par le bruit des purges, pour rejoindre notre véhicule. Sur le trajet retour, nous stoppons à Bozel pour y dévaliser une gaufre et dévorer la coop. Ou l’inverse.

Merci Isa et Antoine pour ce beau week-end, dont l’extension sur trois jours aura permis une immersion, des objectifs, et une coupure que ne saurait permettre un aller-retour à la journée.