22-10-2023
Grèce
2000
1100
2918
AD
2j
1

Entre un trip bateau / VTT / trek sur l'île de Corfou et une semaine d'escalade à Leonidio/Kyparissi en famille, nous avions quelques jours à occuper...

L'idée a vite germée que si les Dieux de l'Olympe nous étaient favorables (surtout celui de la météo), c'était peut-être l'occasion d'aller leur rendre une petite visite. Soutenus par Toutatis et Belemnos, les Gaulois ne peuvent pas se contenter d'une voie normale, même très belle ! En cherchant bien, nous avons réussi à dénicher une voie d'escalade presque classique sur le Trône de Zeus (ou Pointe Stefani, 2908 m) : la voie Comici-Escher ouverte en 1932 par le célèbre grimpeur des Dolomites. Mais, d'une part les rares renseignements glanés évoquent un itinéraire difficile à trouver et à suivre, et d'autre part, le point culminant de l'Olympe est le sommet voisin (le Mytikas, 2917 m) qu’il était hors de question pour nous de ne pas gravir également.

Une fois la question du refuge résolue (ouvert jusqu'à fin octobre, complet le samedi soir), nous arrêtons une stratégie non classique que les grecs ont trouvée ambitieuse : dans la même journée, enchaîner les trois sommets en commençant par gravir la voie Comici (AD, 200 m) et poursuivre l’escalade jusqu’au vrai sommet de la Pointe Stefani (2908 m) ; en redescendre par la voie normale (T5/F, 200 m) ; puis traverser jusqu'au pied du couloir Est du Mytikas et le gravir jusqu'au sommet (T5/F, 200 m) ; ensuite enchaîner par une traversée d'arêtes (T5/F,-100 m + 50 m) jusqu'au sommet du Skala (2866 m), pour enfin redescendre au refuge (2100 m), puis au parking de Prionia (1100 m). En cas de but à la voie Comici, nous nous "contenterions" bien volontiers du seul Mytikas.

La montée jusqu'au refuge est tranquille, sur un joli sentier dans une très belle forêt. Nous y arrivons dans une tempête de vent, qui aura empêché les très nombreux prétendants de ce dimanche pourtant très ensoleillé d’atteindre le sommet… Ambiance ! La météo annonce que le vent doit se calmer dans la nuit, nous croisons les doigts... Refuge frisquet (pas de feu à cause du vent), mais très bon accueil de la gardienne qui nous a réservé une petite chambre rien que pour nous (privilège des anciens ? crainte des foudres de Toutatis ? ). En revanche, aucun renseignement sur la voie Comici... Le mystère s'épaissit, nous verrons bien ! Après un gros plat de spaghettis et une petite bière, notre nuit sera paisible, loin des ronflements des dortoirs voisins.

Réveil à 6h15 pour un départ à 7h30 : nous aurons encore une fois bien discuté avec nos compagnons du jour ! Le ciel est magnifique, il fait frais mais le vent s'est calmé : ça s'annonce bien ! Après 500m de D+, nous quittons le chemin de la voie normale du Skala pour engager une longue traversée ascendante vers le Nord ; nous mettons rapidement le casque car le sentier traverse des pentes raides et exposées aux chutes de pierres (Zonaria). Nous dépassons une cordée qui se prépare pour le couloir Est du Mytikas, puis une autre qui s'équipe pour la VN du Stefani. Nous poursuivons sur le sentier jusqu'à l'aplomb de ce que nous pensons être notre voie, puis remontons un court, mais infâme pierrier bien raide jusqu'à la base de la paroi.

La face que nous imaginions Est et donc ensoleillée le matin, est en fait Nord-Est et ne voit plus le soleil en cette fin octobre : il fait donc un peu frais... La face est vaste, mais l'attaque nous apparaît assez évidente. Bingo : une flèche vaguement gravée sur le rocher semble indiquer un départ de voie qui nous paraît assez convaincant. C'est parti sur un caillou bien meilleur que ce que nous attendions. Itinéraire logique, quelques rares pitons de temps en temps et relais équipés de 2 goujons, c'est parfait ! Les 200 m vite avalés débouchent sur l'arête sommitale, où il faut encore gravir une fissure raide pour gagner le vrai sommet et son livre bien protégé par une boîte en aluminium. Ambiance et panorama magnifiques !

La journée n'est pas finie, mais nous savourons pleinement ce moment en ce lieu si exceptionnel. Nous apercevons quelques personnes au sommet du Mytikas, notre prochain objectif. Nous nous assurons sur quelques mètres pour désescalader le bloc sommital, puis nous nous désencordons pour le reste de la journée. Je garde quand même quelques anneaux de buste au cas où, et nous engageons notre descente du Trône de Zeus. C'est facile, mais raide et exposé. Des marques de peinture indiquent le meilleur chemin, où le rocher est plutôt sain, et des goujons sont régulièrement disposés pour les gens qui progressent encordés.

Arrivés en bas des 200 m de la VN du Stefani, une courte traversée vers le Sud en terrain mouvant nous amène à la base du couloir Est du Mytikas que nous remontons jusqu'au sommet, sur un rocher pas trop mauvais. C'est toujours facile, mais encore très exposé : les nombreuses plaques mortuaires en témoignent tout au long de l'itinéraire. Là aussi, des marques de peinture facilitent la recherche de l'itinéraire, et des goujons sont présents. L’arrivée sur le Sommet des Dieux fait partie de ces moments rares que nous aimons tant : nous sommes seuls à perte de vue, la chaude lumière du soleil déclinant nous enrobe, la vue s’étend jusqu’à la mer, quelques bancs de nuages donnent du relief à l’ensemble… Nous profitons pleinement de ces instants, tout en regardant la longue traversée qu’il nous reste à parcourir jusqu’au Skala, où l’on doit retrouver un sentier.

Traversée là encore sur du terrain facile, un peu exposé et balisé régulièrement de marques de peintures et de goujons. L’ambiance est toujours superbe, et nous débouchons au soleil presque couchant sur notre dernier sommet du jour. Bonheur total !

Il ne nous reste « plus » qu’à descendre 1800 m de D- jusqu’au parking de Prionia, déjà dans l’ombre tout au fond de la vallée… Une petite troupe de chamois nous salue dans les derniers rayons du soleil. Au refuge, debriefing de la voie Comici avec le mari de la gardienne qui en rêve mais n’a pas encore osé y aller… Puis descente dans la forêt, où les frontales nous seront bien utiles pour terminer, enfin retour sur Litochoro où nous retrouverons notre logement pour la nuit. Un bon resto clôturera cette magnifique journée sans accroc.

Le lendemain, après un superbe petit déjeuner sur une terrasse ensoleillée de Litochoro, nous nous baignons dans une eau encore chaude, en contemplant au loin les sommets de l’Olympe avec le sentiment que nous avons été des passagers bienvenus dans ce Royaume des Dieux !